Le gouvernement de la République Démocratique du Congo vient d’opérer un virage stratégique dans la gestion de ses échanges avec l’extérieur. Le lundi 29 décembre, la Première ministre, Judith Suminwa, a officiellement lancé l’interconnexion électronique entre le système S-ONE de la Société d’Exploitation du Guichet Unique Intégral (SEGUCE) et SYDONIA World, la plateforme automatisée de la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA). Cette avancée, qualifiée d’historique, marque l’entrée forcée de l’administration douanière congolaise dans l’ère du tout-numérique, avec pour ambition affichée de transformer radicalement le paysage du commerce extérieur.
Concrètement, cette réforme douanière majeure institue la transmission obligatoire et dématérialisée de la liasse documentaire pour toutes les opérations d’importation, d’exportation et de transit. Finis les dossiers papier, les allers-retours physiques entre les guichets et les risques de perte ou de falsification. Désormais, l’intégralité du processus, du dépôt de la déclaration à la levée des marchandises, s’effectue via une chaîne numérique unique et sécurisée. Cette modernisation du commerce extérieur congolais n’est pas qu’une simple mise à jour technologique ; elle engage une profonde mutation culturelle au sein de l’appareil administratif, visant à éradiquer les lenteurs bureaucratiques et les pratiques opaques qui grèvent depuis longtemps la compétitivité du pays.
Quels sont les gains économiques tangibles attendus de ce nouveau système électronique des douanes en RDC ? Les autorités mettent en avant une réduction drastique des coûts et des délais pour les opérateurs économiques. Le ministre du Commerce extérieur, Julien Paluku, a tenu à rassurer le secteur privé : « Cette réforme ne constitue pas un blocage aux opérations commerciales. Au contraire, elle va réduire le coût, le délai et renforcer la transparence. Elle fera en sorte que les agents qui étaient tracassés à gauche et à droite ne le soient plus. » La suppression des interfaces physiques limite les possibilités de corruption informelle, tandis que l’automatisation accélère le traitement des dossiers. Pour une économie fortement dépendante de ses exportations de matières premières et de ses importations de biens manufacturés, ce gain d’efficacité représente un puissant levier de croissance.
Sur le front des finances publiques, l’impact pourrait être tout aussi significatif. Le ministre des Finances, Doudou Fwamba, l’a clairement souligné : la dématérialisation des procédures simplifie le contrôle et accroît la mobilisation des recettes publiques grâce à une lutte renforcée contre la fraude douanière. SYDONIA World, en dialogue direct avec S-ONE SEGUCE, permet une traçabilité intégrale des marchandises et des paiements, laissant peu de place aux échappatoires. Cette transparence totale constitue un rempart solide contre les pertes de revenus pour l’État, qui pourra ainsi compter sur des prévisions budgétaires plus fiables et des rentrées fiscales optimisées. Dans un contexte de pression sur les finances publiques, cette réforme apparaît comme un instrument de consolidation budgétaire.
L’initiative portée par Judith Suminwa dépasse le cadre technique pour s’inscrire dans une vision géoéconomique plus large. La Première ministre y voit une « révolution historique » qui consolide l’intégration de la RDC dans les circuits du commerce international. En alignant ses procédures sur les standards modernes de dématérialisation et d’interopérabilité, le Congo améliore son attractivité pour les investisseurs étrangers et renforce sa crédibilité auprès des partenaires commerciaux et des institutions financières internationales. Cette avancée s’inscrit, selon ses termes, « dans la droite ligne des Objectifs de développement durable », en promouvant une croissance inclusive et une gouvernance transparente. Le système devient ainsi un marqueur de la volonté du pays de jouer pleinement son rôle dans l’économie mondiale.
À plus long terme, cette réforme pourrait bien servir de catalyseur pour l’ensemble de l’écosystème économique congolais. En fluidifiant les échanges aux frontières, elle réduit un frein majeur au développement des entreprises locales, notamment les PME qui peinaient à supporter la complexité et le coût des procédures traditionnelles. La généralisation de ce guichet unique intégral ouvre la voie à une formalisation accrue de l’économie et à une meilleure insertion dans les chaînes de valeur régionales, comme celle de la Communauté d’Afrique de l’Est ou de la SADC. La question qui se pose désormais est celle de l’appropriation et de la formation : les opérateurs et les agents des douanes sauront-ils tirer pleinement parti de cet outil pour en faire un véritable moteur de compétitivité nationale ?
En définitive, le lancement de cette interconnexion entre S-ONE SEGUCE et SYDONIA World représente bien plus qu’une modernisation administrative. Il s’agit d’un pari stratégique sur l’avenir économique de la RDC. En misant sur la digitalisation et la transparence, le gouvernement de Judith Suminwa cherche à construire les fondations d’un environnement des affaires plus sain, plus prévisible et plus intégré. Si les promesses de réduction des coûts, de lutte contre la fraude et d’amélioration des recettes se concrétisent, cette réforme douanière pourrait marquer un point de non-retour vers une gestion plus vertueuse et performante des ressources nationales, redessinant ainsi la carte de la compétitivité congolaise à l’échelle continentale et au-delà.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
