Ce lundi matin, les rues de Bunia ont résonné des pas déterminés de dizaines de journalistes, micros et caméras à la main, mais aujourd’hui en tant que manifestants. Leur colère, palpable, était tournée vers le siège du gouvernorat de l’Ituri. Un de leurs confrères, Thierry Lole, journaliste à la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC), venait d’être brutalement assassiné à son domicile. Comment en est-on arrivé là ? Dans une province déjà minée par l’insécurité, la cible est désormais clairement celle qui porte la parole : la presse.
Dans la nuit de dimanche à lundi, des individus armés de machettes se sont introduits chez Thierry Lole vers deux heures du matin. Ils lui ont infligé de graves coups à la tête avant de prendre la fuite, sans même emporter de biens. Transporté d’urgence à l’hôpital Salama, le journaliste a succombé à ses blessures ce lundi matin. Un meurtre d’une violence gratuite qui laisse la communauté médiatique de l’Ituri sous le choc et en proie à la peur. Ce crime s’inscrit dans une série inquiétante d’attaques contre les journalistes dans la région, renforçant le sentiment d’insécurité pour les professionnels des médias en RDC.
Lors de leur marche protestataire, les professionnels des médias ont remis une série de demandes aux autorités provinciales. Ils exigent, avant tout, l’ouverture immédiate d’une enquête approfondie pour identifier et traduire en justice les responsables de cet assassinat. « Nous en avons assez de l’impunité », pouvait-on entendre dans les rangs. La demande inclut également la prise en charge des obsèques de leur confrère et l’instauration de journées de silence radio en signe de deuil et de protestation. Une manière de faire retentir le silence pour dénoncer le bruit de la violence.
Les représentants des médias présents ont dressé un tableau alarmant de la situation. Les attaques contre les journalistes se multiplieraient en Ituri, créant un climat de terreur propice à l’autocensure. Ils citent l’exemple récent d’un de leurs pairs, enlevé et retenu en otage pendant quatre jours, et dont l’enfant a été tué par la suite par des inconnus. Des récits qui font froid dans le dos et qui posent une question cruciale : jusqu’où va-t-on laisser s’enfoncer l’Ituri dans la violence contre ceux qui informent ? Les manifestations des médias en Ituri sont un cri d’alarme face à cette dérive.
Face à cette mobilisation, les autorités provinciales ont reçu les manifestants. Elles ont indiqué qu’une enquête était déjà ouverte pour identifier les auteurs de ce meurtre et les déférer devant la justice. Elles ont également promis la prise en charge des obsèques de Thierry Lole. Des paroles qui, si elles sont suivies d’actes, pourraient apaiser une profession en colère. Mais le doute persiste parmi les journalistes, habitués à voir des promesses non tenues dans un contexte où la justice peine souvent à aboutir. La rapidité de l’enquête sur le meurtre du journaliste à Bunia sera un test pour les autorités.
Au-delà de l’émotion et de la douleur, le meurtre de Thierry Lole à Bunia soulève des enjeux sociétaux majeurs. L’insécurité qui frappe les journalistes en RDC, et particulièrement en Ituri, est une atteinte directe à la liberté de la presse, pilier essentiel de toute démocratie. Quand les voix qui relatent les faits sont réduites au silence par la terreur, c’est toute la population qui est privée de son droit à une information libre et indépendante. La profession, déjà exercée dans des conditions précaires, se retrouve en première ligne d’un conflit où l’information est une arme. L’assassinat d’un journaliste en Ituri n’est pas un incident isolé ; c’est un symptôme d’une fragilité démocratique.
Que faut-il pour protéger ceux qui nous informent ? La réponse ne réside pas seulement dans des enquêtes policières, mais dans une volonté politique ferme de considérer le journalisme comme un métier essentiel, à protéger. Les manifestations comme celle de Bunia sont un signal d’alarme fort envoyé aux autorités congolaises et à la communauté internationale. L’assassinat d’un journaliste n’est pas un fait divers ; c’est un coup porté à la démocratie. En Ituri, comme ailleurs en RDC, garantir la sécurité des journalistes est une urgence absolue pour éviter que le silence ne devienne la norme. Le meurtre de Thierry Lole de la RTNC doit être le dernier.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
