Le calme est revenu, dimanche 28 décembre, dans la chefferie de Babila Babombi, en territoire de Mambasa, province de l’Ituri. Cette accalmie fait suite à de violents affrontements FARDC Wazalendo survenus la veille au village de Centrale, situé à une dizaine de kilomètres de Biakato. Ces incidents sécuritaires illustrent la tension permanente qui règne sur les axes de communication de la région, minés par des pratiques illicites.
Selon des sources locales concordantes, les combats ont éclaté après que les Forces armées de la RDC (FARDC) ont décidé de mettre un terme à une taxe illégale Mambasa imposée aux usagers de la route par les combattants Wazalendo. Ce prélèvement abusif obligeait chaque conducteur à s’acquitter de 30 000 francs congolais et d’un kilogramme de cacao par semaine pour obtenir le droit de passage. Une extorsion devenue insupportable pour les populations locales et les acteurs économiques.
L’intervention des forces régulières a déclenché un échange de tirs, plongeant la zone dans la panique. L’ONG Convention pour le respect des droits de l’homme (CRDH) a confirmé que ces incidents ont provoqué un mouvement massif de populations. De nombreux habitants ont fui vers Biakato pour se réfugier dans des familles d’accueil, cristallisant un nouveau déplacement population Biakato. D’autres sont retournés au village de Centrale avec le retour progressif au calme, mais la peur reste palpable.
Cet épisode violent s’inscrit dans un conflit armé Ituri plus large, où le contrôle des routes et les prédations économiques sont des enjeux majeurs. La route concernée par ces événements fait partie d’un axe vital, la route nationale 44, qui relie Mambasa-Centre à Makeke. Or, cet itinéraire est depuis longtemps gangrené par des barrières illicites. En septembre dernier, le député provincial Gilbert Sivamwenda avait dénoncé pas moins de sept route nationale 44 barrières illégales érigées par des services étatiques eux-mêmes.
Sur ces points de contrôle, les usagers doivent s’acquitter de sommes arbitraires variant entre 1 000 et 150 000 francs congolais, soit plus de 50 dollars américains. Comment une telle situation a-t-elle pu s’installer en toute impunité ? Pourquoi les citoyens doivent-ils payer le prix fort, littéralement, pour circuler sur une route publique ? Ces questions brûlantes restent sans réponse face à un système de prédation qui asphyxie l’économie locale.
L’importance socio-économique de la route nationale 44 est pourtant capitale. Elle constitue le lien principal entre les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, facilitant les échanges commerciaux et le transport de denrées comme le cacao. Les affrontements FARDC Wazalendo et les taxes illégales qui en sont la cause directe menacent directement la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de milliers de personnes. Cette instabilité chronique décourage tout investissement et enfonce la région dans un cycle de pauvreté et de violence.
Le retour au calme observé à Babila Babombi est-il durable ? Rien n’est moins sûr. Tant que les causes structurelles de l’insécurité ne seront pas traitées, notamment l’impunité entourant l’érection de barrières illégales, les tensions resteront vives. Les forces de sécurité peuvent-elles sécuriser l’ensemble de cet axe stratégique de manière permanente ? L’épisode de Centrale montre la volonté des FARDC d’intervenir, mais une stratégie globale et coordonnée fait encore défaut.
Les récents déplacements de population vers Biakato rappellent la vulnérabilité constante des civils pris en étau entre différents groupes armés et des forces de l’ordre parfois elles-mêmes impliquées dans des exactions. La communauté humanitaire suit la situation avec une inquiétude grandissante, craignant une nouvelle détérioration des conditions de vie dans une région déjà éprouvée par des années de conflit armé Ituri.
La route nationale 44 doit redevenir un symbole de connexion et de développement, et non de prédation et de violence. L’éradication des barrières illégales et la fin des taxes abusives ne sont pas seulement des impératifs sécuritaires, mais des conditions sine qua non pour la paix et la prospérité de l’Ituri. Les autorités congolaises parviendront-elles à reprendre le contrôle de cet axe vital pour le bien-être des populations ? L’avenir immédiat de la région en dépend.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
