Un vent de dialogue souffle sur le quartier Kuka à Beni, au Nord-Kivu, après des semaines de tensions palpables. Ce samedi 27 décembre, la société civile de la commune de Mulekera a pris les rênes d’une initiative cruciale : une journée de réflexion et une tribune d’expression populaire dédiées à la paix. Ce forum, qui a rassemblé les habitants et les responsables des services de l’ordre, visait explicitement à désamorcer une crise de confiance née du refus catégorique d’une partie de la population de voir une station de police s’implanter dans leur entité.
Comment en est-on arrivé à un tel niveau de défiance envers les forces censées protéger les civils ? La réponse se trouve dans une série d’altercations récentes. Les riverains du quartier Kuka accusaient en effet certains éléments des services de sécurité d’être à l’origine d’actes d’insécurité, notamment des extorsions et des incursions nocturnes dans les habitations. Des heurts violents ont éclaté, faisant des blessés de part et d’autre, et cristallisant un climat de méfiance et de peur. Cette situation paradoxale, où les protecteurs sont perçus comme une menace, a poussé la société civile à agir comme médiateur pour éviter une escalade.
« Nous sommes ici par rapport à l’incident survenu dernièrement concernant le refus de la présence des policiers », a expliqué Joseph Sabuni, président de la société civile de Mulekera. Il a pointé du doigt l’influence de « personnes de mauvaise foi » ayant intoxiqué les jeunes, conduisant aux violences. Mais au-delà du constat, cette tribune d’expression populaire pour la paix avait un objectif constructif : recoudre le lien social déchiré et trouver une issue. Le message de la société civile est clair : il ne s’agit pas de rejeter en bloc la présence policière, mais d’en conditionner l’acceptation à un cadre de confiance et de respect mutuel.
Quelles sont les pistes de solutions dégagées par ce dialogue communautaire historique ? Les participants se sont accordés sur plusieurs points. Premièrement, le refus initial cède la place à une ouverture conditionnelle. La population n’exclut plus la présence des forces de l’ordre, à condition qu’une seconde rencontre avec les autorités locales et policières soit organisée. L’objectif de cette future table ronde sera de définir les modalités d’une implantation apaisée de la police, garantissant son rôle exclusif de protection des civils et de leurs biens. La société civile de Beni joue ici un rôle central de facilitateur, plaidant pour une sécurité repensée avec et pour la communauté.
Ce forum survient dans un contexte sécuritaire régional particulièrement lourd, où la quête de paix est un défi quotidien. Depuis deux semaines, un vaste déploiement de troupes de police a été initié dans les trente quartiers de Beni pour tenter d’endiguer l’insécurité. L’incident de Kuka rappelle avec acuité que la réussite de telles opérations ne dépend pas seulement du nombre d’uniformes déployés, mais aussi et surtout de l’adhésion de la population. Une police perçue comme prédatrice ne peut remplir sa mission. L’appel lancé par la société civile de Mulekera est donc double : aux civils de coopérer, et aux forces de défense et de sécurité de faire preuve de professionnalisme et d’intégrité.
La route vers une paix durable dans le quartier Kuka et au-delà dans la ville de Beni reste longue. Les altercations malheureuses ont laissé des traces, tant physiques que psychologiques. Cependant, la volonté de dialogue exprimée lors de ce forum Mulekera constitue un premier pas essentiel. Il démontre que même dans un climat de défiance, des espaces de parole peuvent être recréés. La balle est maintenant dans le camp des autorités pour écouter ces doléances et travailler à une relation police-population refondée sur la confiance. L’enjeu est de taille : transformer la méfiance en collaboration pour que la sécurité du quartier Kuka ne soit plus un sujet de discorde, mais une responsabilité partagée.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
