Dans une décision rendue publique ce samedi 27 décembre, l’Assemblée provinciale de la Tshopo a opposé un refus catégorique au réquisitoire émanant du Procureur général près la Cour de cassation. Cette requête sollicitait l’autorisation parlementaire indispensable pour ouvrir une instruction judiciaire à l’encontre de son président, l’honorable Mattheus Kanga. Le rejet est intervenu à l’issue d’un vote en séance plénière, consacrant ainsi les conclusions d’une commission ad hoc spécialement constituée pour examiner le bien-fondé de la demande du ministère public.
La saisine de la plus haute juridiction congolaise trouvait son origine dans des dénonciations formulées par deux personnes distinctes. Ces dernières accusaient le président de l’organe délibérant provincial d’être impliqué dans un présumé détournement de fonds. Le montant en cause, 200 dollars américains, aurait été alloué par le Fonds de Réhabilitation des Infrastructures et de Valorisation des Actifs de l’Etat (FRIVAO). Cette enveloppe était destinée à la réhabilitation ou à la construction des bureaux de la première institution politique provinciale à Kisangani. L’affaire des 200 dollars de la Tshopo cristallisait ainsi des allégations graves, placées sous le feu des projecteurs de la justice.
Représentant le Procureur général près la Cour de cassation, le Procureur général près la Cour d’appel de Kisangani, Maître Albert Lussumbe, a été mandaté pour présenter les motivations de la requête devant l’hémicycle. Devant les députés provinciaux réunis en séance plénière, il a exposé les circonstances ayant conduit à cette démarche judiciaire. « Selon le dénonciateur, tout cet argent a été partagé entre les mains des députés que vous êtes. Voilà pourquoi le Procureur général près la Cour de cassation a sollicité votre autorisation afin de procéder à des vérifications », a-t-il déclaré, résumant l’argument central de l’accusation qui impliquait potentiellement l’ensemble de l’assemblée.
La réponse de l’institution fut sans appel. Les membres de la commission ad hoc, appuyés par de nombreux députés lors des débats, ont vigoureusement contesté le bien-fondé des accusations. Leur défense s’est articulée autour d’un argument principal : l’absence totale de preuves matérielles ou éléments tangibles susceptibles d’étayer les faits reprochés au président Mattheus Kanga. La commission a minutieusement passé en revue la requête du parquet et a estimé qu’elle ne reposait que sur de simples allégations, insuffisantes pour justifier l’ouverture d’une instruction pouvant porter atteinte à l’inviolabilité parlementaire. Un des porte-parole de la commission a fermement réagi : « Par rapport au travail que nous faisons ici à l’Assemblée provinciale concernant les fonds du FRIVAO, vous nous accusez d’être des détourneurs de ces fonds. C’est faux, archi-faux ».
Ce vote de rejet soulève des questions fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs et les immunités parlementaires en République Démocratique du Congo. L’autorisation de mise en accusation d’un député ou d’un président d’assemblée est en effet une procédure hautement sensible, conçue pour protéger la fonction élue contre des poursuites arbitraires tout en permettant à la justice d’agir en cas de présomption sérieuse d’infraction. Le rejet par l’Assemblée provinciale de la Tshopo signifie-t-il une fermeture définitive du dossier, ou le parquet dispose-t-il d’autres voies de recours ? L’affaire met en lumière les tensions potentielles entre le pouvoir judiciaire, cherchant à exercer son mandat, et le pouvoir législatif, vigilant quant au respect de ses prérogatives.
Sur le fond de l’affaire de détournement du FRIVAO, les députés ont insisté sur la transparence de leur gestion. Ils ont argué que les procédures d’utilisation des fonds alloués pour la réhabilitation des infrastructures de l’assemblée avaient été suivies conformément aux règlements. Le montant modique de 200 dollars, au centre de la polémique, interroge également sur l’origine et la véracité des dénonciations. S’agit-il d’une tentative de déstabilisation politique ciblant la première institution de la province, ou d’un signal visant à renforcer les contrôles sur l’utilisation des fonds publics, même minimes ? La situation illustre les défis de la gouvernance locale et la nécessité d’une justice à la fois indépendante et irréprochable dans ses fondements.
La prochaine étape juridique n’est pas clairement définie. Le réquisitoire du Procureur général près la Cour de cassation ayant été rejeté par l’assemblée concernée, la balle est désormais dans le camp du ministère public. Ce dernier devra décider s’il classe l’affaire, faute de l’autorisation nécessaire pour poursuivre, ou s’il explore d’autres avenues procédurales, peut-être en recherchant des éléments probants plus solides. Pour Mattheus Kanga et l’Assemblée provinciale de la Tshopo, cette décision plénière marque une victoire politique et procédurale immédiate. Elle ne clôt cependant pas nécessairement le débat sur la gestion des fonds publics au niveau provincial, un sujet qui reste sous surveillance dans le contexte de la lutte contre la corruption en RDC.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
