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Kolwezi en sang : deux morts dans la révolte des mineurs artisanaux

Les cris de colère résonnaient encore dans les rues poussiéreuses de Kolwezi ce samedi 28 décembre, mêlés à l’odeur âcre de la poudre et de la peur. Jean*, un creuseur artisanal de la cité Luilu, serre son bras bandé, témoin silencieux d’une journée de violence. « On voulait juste faire entendre notre désespoir, et on a reçu des balles en réponse », murmure-t-il, les yeux rivés sur les débris des barricades. Comme lui, des centaines de mineurs artisanaux de Kolwezi sont descendus dans les rues pour exprimer leur ras-le-bol, un mouvement de protestation qui a viré au drame. Deux vies ont été fauchées et de nombreuses autres personnes ont été blessées dans des affrontements d’une rare violence avec les forces de l’ordre. Cette flambée de colère dans le Lualaba n’est pas un simple fait divers ; elle est le symptôme d’une profonde crise sociale qui secoue le cœur minier de la RDC.

Dès les premières heures, la tension était palpable. Les manifestants, principalement des exploitants miniers artisanaux et leurs familles, ont érigé des barricades avec tout ce qui leur tombait sous la main : des pneus enflammés, des rochers, des morceaux de bois. Les quartiers de Kanina, Luilu, 5 Ans et la Cité Gécamines se sont transformés en théâtres de confrontation. Les routes bloquées ont paralysé la ville, symbole d’une économie artisanale elle-mise à l’arrêt. Les forces de sécurité, déployées en nombre, ont tenté de reprendre le contrôle, mais la situation a dégénéré. Des sources locales rapportent des tirs pour disperser la foule, causant la panique et des blessures par balle. Les affrontements à Kolwezi ont laissé des traces indélébiles, tant dans les chairs que sur les murs criblés d’impacts.

Quel est l’élément déclencheur de cette colère noire ? Le geste d’un stylo à Kinshasa. Le ministre des Mines, Louis Watum Kabamba, a signé le 19 décembre un arrêté suspendant les activités des entités de traitement utilisant des minerais issus de l’exploitation artisanale. Cette décision, accompagnée de la fermeture des sites de creusement artisanaux et des dépôts de stockage, a coupé net l’unique source de revenus de milliers de familles. L’arrêté du ministre des Mines est perçu sur le terrain comme un coup de massue, une mesure brutale sans alternative viable. Comment ces hommes et ces femmes, qui extraient le cuivre et le cobalt à la force de leurs bras, sont-ils censés survivre du jour au lendemain ? La suspension des mines en RDC dans le secteur artisanal plonge une communauté entière dans l’incertitude la plus totale.

La grogne a pris une tournure tragique dans certains secteurs. À Kisanfu, la fureur des manifestants s’est abattue sur un homme, employé d’une société minière locale, qui rentrait tranquillement chez lui après sa journée de travail. Pris à partie par un groupe de mineurs artisanaux de Kolwezi en colère, il a été tabassé à mort, victime expiatoire d’une rage mal dirigée. Sur l’axe principal de Luilu, d’autres ont caillassé des camions, signe d’une hostilité généralisée envers tout ce qui symbolise l’industrie minière formelle. Ces actes, aussi condamnables soient-ils, parlent d’un désespoir si profond qu’il bascule dans la violence aveugle. Les manifestations dans le Lualaba révèlent ainsi toute l’ambiguïté d’un secteur minier artisanal à la fois vital et vulnérable, structuré par la débrouille et menacé par les décisions venues d’en haut.

Face à l’urgence, la gouverneure du Lualaba, Fifi Masuka, est intervenue pour tenter d’apaiser les esprits. Dans une adresse à la population, elle a appelé au calme et demandé aux services provinciaux – Division des Mines, SAEMAPE, service de lutte contre la fraude et CEEC – d’accompagner l’application de l’arrêté ministériel avec « des mesures d’encadrement ». Elle a surtout lancé un appel pragmatique : les camions de minerais déjà en route avant la publication de l’arrêté doivent pouvoir acheminer leur cargaison vers les destinations habituelles. Un geste pour désamorcer la crise immédiate, mais qui semble bien mince face à l’ampleur du mécontentement. La gouverneure mise sur la mise en place d’une commission pour gérer la transition, mais sur le terrain, la confiance est rompue. Les creuseurs se demandent si cette commission ne sera pas une nouvelle usine à gaz, incapable de comprendre la réalité de leur quotidien précaire.

Derrière les billes de fumée et les pavés, c’est tout un modèle économique et social qui tremble. L’exploitation minière artisanale, souvent décriée pour ses conditions dangereuses et son impact environnemental, est pourtant un filet de sécurité pour des milliers de Congolais exclus du circuit formel. Sa suspension brutale, sans plan d’accompagnement social, jette des familles entières dans la gueule du loup. Où iront ces travailleurs de l’ombre ? Comment la province, dont l’économie tourne autour du minerai, peut-elle absorber ce choc ? Ces questions rhétoriques hantent aujourd’hui les ruelles de Kolwezi. Les autorités, tant nationales que provinciales, sont à la croisée des chemins : poursuivre une politique de répression et de contrôle au risque d’alimenter la révolte, ou engager un dialogue franc pour intégrer ces acteurs dans une filière plus régulée et juste.

La tragédie de ce samedi sanglant à Kolwezi doit servir de signal d’alarme. Elle nous rappelle que les richesses du sous-sol congolais ne doivent pas se payer au prix du sang de ses enfants. Les mineurs artisanaux, ces invisibles du système, réclament une place à la table des décisions qui les concernent. L’enjeu dépasse la simple application d’un arrêté ; il touche à la cohésion sociale, à la paix dans les communautés minières, et à la vision que l’on a du développement de la RDC. Espérons que les deux vies perdues ne seront pas vaines, et qu’elles pousseront les responsables à privilégier l’écoute et l’inclusion face à la force brute. Le cœur battant de la Copperbelt ne peut pas continuer à palpiter au rythme des coups de feu et des lamentations.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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