Une foule dense et déterminée a investi les artères de Kirumba, dans le territoire de Lubero au Nord-Kivu, ce samedi 27 décembre. Cette mobilisation populaire vise à dénoncer les atrocités persistantes commises par les rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) contre les civils dans le secteur des Bapere. La colère, contenue depuis des années, a finalement explosé face à l’inaction perçue des autorités. La population locale, exaspérée par une décennie de violences, réclame des actions concrètes pour sa sécurité.
Le président de la société civile locale, Samy Saa Kumi, a exprimé un profond désarroi. “C’est depuis une décennie que la population est en train d’être massacrée par les ADF. Mais nous n’avons jamais eu une solution à provenance de Kinshasa”, a-t-il déploré. L’objectif de cette marche est clair : interpeller la communauté nationale et internationale pour qu’elle œuvre au retour de la paix dans les entités sous la menace des ADF. “Nous voulons que la population de Beni et de Bapere trouve la sécurité et vive en paix. Et cela jusque dans la province de l’Ituri, dans le secteur des Bapere dans le territoire de Lubero afin que notre population soit libérée”, a-t-il insisté.
Cette manifestation de grande ampleur survient dans un contexte sécuritaire extrêmement tendu. Neuf jours plus tôt, le Baromètre sécuritaire du Kivu, projet de l’Institut de recherche Ebuteli, a documenté 226 incidents sécuritaires dans l’est de la République démocratique du Congo pour le seul mois de novembre 2025. Le rapport, publié le 18 décembre, souligne une augmentation alarmante du nombre de civils tués. Pas moins de 289 personnes ont péri en novembre, contre 205 le mois précédent. Une escalade qui questionne l’efficacité des mesures de protection.
Le territoire de Lubero, au Nord-Kivu, s’impose une fois de plus comme l’épicentre de cette violence meurtrière. Le secteur de Bapere et la chefferie des Baswagha concentrent à eux seuls une grande partie des tragédies. Selon les données du Baromètre, 121 civils y ont été tués durant le mois sous examen, dont 22 femmes. Ces chiffres glaçants illustrent le calvaire quotidien des communautés prises pour cible. Comment expliquer une telle concentration de violences dans cette région ?
Les Forces démocratiques alliées (ADF) sont identifiées comme le groupe armé le plus meurtrier de l’est de la RDC. Peu médiatisées, leurs actions n’en sont pas moins systématiques et brutales. Actives également en Ituri, dans les territoires de Mambasa et Irumu, ces rebelles ciblent des positions de l’opération Shujaa et imposent des taxes illégales aux populations. Leur emprise ne se limite pas aux attaques armées. Des prêches de conversion à l’islam ont été rapportées, notamment lors d’un meeting tenu le 5 novembre au village Elake, dans le territoire de Mambasa.
La manifestation de Kirumba représente donc un cri du cœur, un ultime signal d’alarme lancé dans l’indifférence relative. Elle symbolise le désespoir d’une population qui se sent abandonnée par l’État. Jusqu’à quand les civils du Nord-Kivu et d’Ituri devront-ils subir ces exactions ? Les appels répétés de la société civile parviendront-ils à briser le plafond de verre de l’attention politique ?
Les violences perpétrées par les ADF plongent des régions entières dans une instabilité chronique. Le cycle infernal des attaques et des représailles semble sans fin. Pendant ce temps, le nombre de déplacés internes ne cesse de croître, aggravant une situation humanitaire déjà catastrophique. L’opérationnalité des forces de sécurité et la coordination avec les missions internationales restent des défis majeurs.
En définitive, la marche de Kirumba met en lumière l’urgence absolue d’une réponse stratégique et unifiée. La protection des civils doit devenir une priorité tangible, non seulement dans les discours mais aussi sur le terrain. Sans une action décisive et concertée pour neutraliser la menace des ADF, les rapports continueront à égrener des bilans macabres, et la colère populaire, à s’exprimer dans les rues du Nord-Kivu et au-delà.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
