En cette fin d’année 2025, l’air politique kinois est chargé d’appels à l’unité et de serments de loyauté. Christophe Mboso Kodia, l’autorité morale incontestée de la Convention pour la République et la Démocratie (CRD), a une nouvelle fois endossé le rôle de fédérateur en conviant les notables de Kinshasa à un échange des plus symboliques. L’objectif affiché ? Les exhorter à embrasser et à soutenir sans réserve l’initiative de paix portée par le gouvernement du Président Félix Tshisekedi. Cette rencontre, organisée à l’orée de la nouvelle année 2026, dépasse-t-elle le simple cadre d’un meeting partisan pour devenir un acte de consolidation politique stratégique ?
Face à une assemblée de personnalités influentes de la capitale, Christophe Mboso Kodia a délivré un message sans équivoque. Le deuxième vice-président de l’Assemblée nationale a enjoint ses interlocuteurs de faire de la protection des institutions républicaines, et notamment de la personne du Président de la République, leur priorité absolue. Dans un contexte régional tendu, marqué par des fronts ouverts contre le Rwanda, cet appel à la vigilance et au soutien inconditionnel au Chef de l’État sonne comme une mobilisation générale de l’arrière. « Veiller sur la capitale » n’est donc pas une simple formule de politesse, mais un impératif présenté comme vital pour la stabilité du pays. La demande de se désolidariser des « personnes malveillantes » vise-t-elle à isoler les voix discordantes au sein même de la métropole, sous couvert de patriotisme ?
La rhétorique employée par le leader du CRD s’inscrit dans une narration plus large de soutien au pouvoir en place. Son allocution a habilement lié la quête de paix à l’action personnelle de Félix Tshisekedi, présenté comme le rempart contre les forces déstabilisatrices. Cette initiative de paix, dont les contours opérationnels restent à définir pour beaucoup d’observateurs, devient ainsi le étendard derrière lequel toute la nation est sommée de se ranger. Le message est clair : dans cette bataille, la loyauté n’est pas négociable.
Le renfort est venu d’un autre cadre du parti, Samuel Mbemba. Ce dernier a entrepris de rappeler le « bien-fondé » de cet engagement envers le président, en le justifiant par des réalisations concrètes. L’argument est habile : c’est sous le mandat de Félix Tshisekedi que la présidence de l’Assemblée nationale est, pour la première fois, revenue à un enfant du Kwango – une province dont sont originaires de nombreux notables kinois. Cette représentation symbolique est doublée d’une action tangible saluée par Mbemba : le désenclavement de Camp Luka, quartier populaire de Ngaliema à forte concentration de ressortissants du Kwango. Le calcul politique est transparent : ancrer la légitimité du pouvoir non seulement dans des discours grandioses sur la paix, mais aussi dans des réalisations locales visibles, créant ainsi un capital de gratitude électorale.
Cette réunion du CRD, teintée de ferveur partisane et d’allégeance proclamée, illustre une stratégie de canalisation des élites traditionnelles de la capitale. En associant les notables de Kinshasa à sa croisade pour la paix, Christophe Mboso Kodia ne fait pas que renforcer la base sociale du régime. Il tisse une toile de fidélités et d’intérêts qui vise à assoir l’autorité de l’État au niveau le plus local. La paix devient ainsi un projet fédérateur, mais aussi un outil de légitimation politique incontestable. L’engagement de lutter « aux côtés du Chef de l’État » sonne comme un pacte renouvelé, scellé en prélude à une année 2026 qui s’annonce cruciale sur les plans sécuritaire et électoral.
Au-delà des déclarations d’intention, cette mobilisation des notables pose une question essentielle : la recherche de la paix à l’Est justifie-t-elle une consolidation silencieuse du pouvoir au centre ? L’appel de Christophe Mboso Kodia, s’il se veut rassembleur, dessine en creux les lignes d’une possible marginalisation de toute opposition, étiquetée comme « malveillante ». La loyauté exigée est-elle la condition sine qua non de la stabilité, ou un prétexte pour museler les débats nécessaires à toute démocratie ? Alors que Félix Tshisekedi engage plusieurs fronts diplomatiques et militaires, la solidité de son arrière-garde politique, symbolisée par le soutien actif des notables kinois et du CRD, sera un élément clé à observer. La réussite de cette initiative de paix dépendra autant des combats menés aux frontières que de l’unité, réelle ou orchestrée, qui régnera dans le cœur de la nation, à Kinshasa.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
