En ce crépuscule de l’année 2025, une réunion du parti Convention pour la République et la Démocratie (CRD) a cristallisé les regards sur la capitale congolaise. Christophe Mboso Kodia, l’autorité morale incontestée de cette formation politique, a convié les notables de Kinshasa à un échange dont le message central ne souffrait d’aucune ambiguïté : rallier sans réserve l’initiative de paix portée par le gouvernement du Président Félix Tshisekedi. Dans un contexte national marqué par des tensions persistantes à l’Est, cet appel à la mobilisation des élites urbaines dépasse-t-il le simple cadre du soutien institutionnel pour s’apparenter à une subtile manœuvre de consolidation politique ?
Face à une assemblée de personnalités influentes, le deuxième vice-président de l’Assemblée nationale a déployé une rhétorique aussi ferme que patriotique. Il a instamment recommandé à ses interlocuteurs de « veiller sur la capitale » et de « protéger les institutions du pays », désignant explicitement la présidence de la République comme un pilier à préserver. Cette injonction, teintée d’une urgence certaine, s’accompagne d’une mise en garde contre les « personnes malveillantes » cherchant à nuire au pays. Le sous-texte est limpide : en période de turbulences, la loyauté doit être absolue et toute dissidence, perçue comme une menace. Christophe Mboso Kodia place ainsi les notables kinois en première ligne d’une défense civile dont les contours restent à définir, mais dont l’objectif politique immédiat semble clair : verrouiller le soutien à Félix Tshisekedi.
L’allocution a naturellement glissé vers le plaidoyer pour le chef de l’État. Mboso a exhorté l’assistance à soutenir sans faille le président qui, selon ses termes, « a engagé plusieurs fronts contre le Rwanda en vue de restaurer la paix ». Cette formulation martialise le discours diplomatique et situe le combat pour la paix en RDC dans un cadre conflictuel explicite. En associant étroitement la figure présidentielle à une lutte frontale, le dirigeant du CRD participe à forger une narration où le soutien au pouvoir exécutif devient synonyme de patriotisme. Une stratégie éprouvée, mais qui soulève une question : cette consolidation du récit national autour d’une action offensive est-elle le gage d’une paix durable ou risque-t-elle d’enkyster les divisions régionales ?
La loyauté du parti CRD et de son leader a été, lors de cette rencontre, scellée par les interventions d’autres cadres. Samuel Mbemba, autre figure éminente du parti, est venu rappeler le « bien-fondé » de l’initiative présidentielle, la présentant comme le fruit naturel de la fidélité des notables de Kinshasa. Son argumentaire a habilement mêlé reconnaissance historique et réalisations concrètes. Il a salué le fait que, sous le mandat de Félix Tshisekedi, la présidence de l’Assemblée nationale soit pour la première fois revenue à un natif du Kwango – une province dont est issu Christophe Mboso Kodia lui-même. Cette mention n’est pas anodine ; elle ancre le soutien politique dans une dynamique de représentation et de reconnaissance communautaire, une monnaie d’échange précieuse dans l’échiquier politique congolais.
Plus concret encore, le cadre du CRD a pointé le désenclavement du quartier Camp Luka, dans la commune de Ngaliema, majoritairement habité par des ressortissants du Kwango. Présenté comme un bienfait de l’action gouvernementale, cet aménagement est érigé en preuve tangible de la sollicitude du pouvoir central. Le message est direct : la loyauté envers le président paie, en termes d’influence et de développement local. Cette transaction politique, à peine voilée, illustre les mécanismes de clientélisme qui sous-tendent souvent la consolidation des bases électorales dans la capitale. La paix en RDC passe-t-elle par ce type de négociations territorialisées, où l’appui politique s’échange contre des infrastructures ?
Organisée à l’aube de l’année 2026, cette assemblée du parti CRD se veut donc bien plus qu’un simple rituel de camaraderie politique. Elle se positionne comme un acte d’allégeance public et structuré. En affirmant son engagement à « lutter aux côtés du Chef de l’État pour la restauration de la paix sur l’ensemble du territoire national », Christophe Mboso Kodia place son parti et son réseau d’influence comme un rempart indispensable à la stabilité. Cette posture, cependant, n’est pas dénuée d’ambiguïté. En mobilisant les notables de Kinshasa – gardiens désignés de la capitale et des institutions –, le vice-président de l’Assemblée nationale ne fait-il que renforcer la cohésion nationale, ou participe-t-il à ériger une forteresse politique autour du président, susceptible d’étouffer les voix dissonantes au nom de l’unité ?
La recherche de la paix en République Démocratique du Congo est un chantier complexe, mêlant enjeux sécuritaires, diplomatiques et de gouvernance interne. L’initiative soutenue par le gouvernement et relayée avec force par le CRD via ses notables devra prouver son efficacité sur le terrain, bien au-delà des déclarations d’intention kinoises. Le véritable test sera sa capacité à apaiser les conflits et à répondre aux attentes des populations dans l’Est du pays. Entre-temps, la scène politique de Kinshasa offre le spectacle d’une consolidation des rangs, où l’appel à la paix sert aussi de ciment à des alliances dont la pérennité dépendra des succès – ou des échecs – à venir. Le jeu de Christophe Mboso Kodia et du parti CRD est à haut risque : en s’identifiant aussi étroitement à la politique de Félix Tshisekedi, ils lient leur destin à celui d’une initiative dont les résultats, encore incertains, détermineront leur crédibilité future.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
