Alors que le pays s’unit derrière les Léopards, portés par l’espoir d’une victoire continentale, la République Démocratique du Congo affronte l’une des semaines les plus sombres de son récent passé. Entre flambée de violence à l’Est, crise humanitaire aiguë et détresse sociale du Nord jusqu’au Sud, la réalité s’impose avec une brutalité implacable. Au seuil de la nouvelle année, la nation s’interroge : comment tenir debout sous le poids des urgences multiples ?
Sur toute l’étendue du territoire, rarement la conjonction de la détresse sécuritaire et sociale n’a été aussi vive. L’actualité de cette fin décembre s’est cristallisée autour de trois fronts inséparables : la persistance de la guerre à l’Est, l’aggravation de la crise alimentaire et la résurgence d’un sentiment d’abandon chez des millions de citoyens.
En Ituri, les affrontements meurtriers à Bule entre les FARDC et la milice de Thomas Lubanga ont de nouveau jeté sur les routes des dizaines de milliers de civils. Les bilans humains se succèdent, tragiquement similaires : un mort, des enfants blessés par des restes de guerre, des populations réfugiées à la base de la MONUSCO sous la peur des balles et de la faim. Les témoignages recueillis dressent un tableau accablant — 150 000 vies suspendues à un hypothétique couloir humanitaire, tandis que les ONG alertent sur une détresse sans précédent. L’État n’a plus le droit de détourner le regard ni de se réfugier derrière les bilans mitigés, comme l’a reconnu en demi-mot le gouverneur militaire de la province. Il faut des actes, pas des discours : garantir la sécurité des populations, ouvrir des accès pour l’aide d’urgence, et briser le cycle des replis stratégiques qui n’enraye rien sur le terrain.
Ailleurs, le même sentiment d’étouffement hante la vie quotidienne. À Bunia, l’inflation ravage le pouvoir d’achat ; les familles réduisent les repas tandis que les étals semblent pleins mais inaccessibles. Au Maniema, la soif et les files interminables aux points d’eau assèchent l’espoir, transformant la vie en calvaire silencieux. À Kananga, une maison effondrée alerte sur l’inaction chronique face à l’érosion urbaine, tandis que les habitants de Kimvula et de Kiyungi Ngoy vivent les fêtes entre enclavement et frustration. Ces défaillances structurelles — routes, accès à l’eau, infrastructures antiérosives — ne relèvent pas du hasard, mais d’une faillite de la gouvernance et de la planification publique. Elles appellent un sursaut immédiat, fait d’investissement ciblé et de responsabilité politique à tous les échelons du pouvoir.
Dans ce tableau dramatique, la mobilisation populaire pour la CAN, le partage d’émotions collectives lors du match RDC-Sénégal, offrent une respiration précieuse. Mais ce n’est ni la victoire sportive, ni les mesures restrictives à Matadi (couvre-feu, interdiction de célébrations), qui masqueront l’impératif d’une refondation nationale. L’unité ne peut s’incarner que si elle s’enracine dans la justice sociale, la sécurisation des vies et l’écoute réelle des souffrances régionales. Il appartient aux dirigeants, mais aussi à chaque citoyen, de faire prévaloir la solidarité sur l’indifférence, l’action sur les promesses creuses.
À l’heure où la nation vibre pour ses Léopards, n’oublions pas que l’honneur d’un pays se joue d’abord dans la protection de ses plus vulnérables. Les urgences qui traversent nos villages et nos villes exigent une mobilisation totale : ouverture de couloirs humanitaires en Ituri, riposte contre la flambée des prix, accès universel à une eau saine, et, surtout, restauration d’une véritable gouvernance responsable. Le sursaut que nous attendons sur le terrain de football doit aussi se produire dans les institutions, les services publics et le cœur de chaque responsable. Car au bout de la crise, seul un engagement collectif et lucide permettra à notre société de retrouver dignité et confiance en l’avenir.
— La Rédaction de CongoQuotidien
