Par une chaude journée de décembre, des centaines d’étudiants se pressent devant les entrepôts de l’Université de Lubumbashi. Leurs visages trahissent à la fois la fatigue des examens et l’espoir d’un soulagement. Parmi eux, Jean, étudiant en troisième année de droit, serre contre lui un sac de farine de maïs. « Ce n’est pas juste de la nourriture, c’est un signe qu’on ne nous oublie pas », confie-t-il, la voix empreinte d’émotion. Comme lui, des milliers d’étudiants viennent de bénéficier d’un don présidentiel inédit, une action sociale qui interpelle.
Vendredi 26 décembre, le Service national de la RDC, bras armé de l’action sociale de l’État, a remis 16 000 sacs de farine de maïs aux étudiants de l’Université de Lubumbashi (UNILU) et de l’Institut supérieur pédagogique (ISP) de Lubumbashi. Sur instruction directe du Président de la République, cette opération vise à soutenir les jeunes durant la période des festivités de fin d’année, souvent synonyme de précarité accrue pour beaucoup. Une initiative qui soulève autant d’espoirs que de questions sur la pérennité de telles mesures.
Au total, 13 000 sacs ont été attribués à l’UNILU et 3 000 à l’ISP/Lubumbashi. Le commandant du Service national, le lieutenant général Jean-Pierre Kasongo Kabwik, présent sur place, a tenu à préciser l’origine de cette farine : elle est le fruit du travail de la ferme du Service national, située dans l’hinterland du Grand Katanga. Mais surtout, elle est produite par d’anciens bandits urbains, ces jeunes autrefois qualifiés de ‘Kuluna’ ou vagabonds, aujourd’hui reconvertis en bâtisseurs. « Tant que cette jeunesse aura de l’énergie à donner à la République, nous irons toujours de l’avant », a déclaré le général. « Ces jeunes qu’on appelait autrefois des délinquants sont désormais des producteurs. La preuve est là : on peut transformer la violence en force créatrice. »
Les bénéficiaires, ces étudiants de Lubumbashi souvent confrontés à des difficultés financières, n’ont pas caché leur gratitude. Un étudiant, sous couvert d’anonymat, a lancé : « Nous exprimons notre profonde gratitude à notre armée et au Service national, où œuvrent des jeunes patriotes dévoués à leurs compatriotes et à la patrie. » Cette distribution de farine de maïs, pour modeste qu’elle puisse paraître, représente pour beaucoup un souffle d’air frais dans un quotidien souvent précaire. Mais est-ce suffisant pour répondre aux besoins criants de la jeunesse estudiantine ?
Au-delà du geste humanitaire, cette action sociale du Service national RDC soulève plusieurs interrogations. Est-ce une solution durable à la précarité étudiante, ou un simple palliatif ponctuel ? Comment assurer que ces dons atteignent effectivement ceux qui en ont le plus besoin, sans détournement ? Et surtout, cette initiative marque-t-elle un véritable tournant dans la politique sociale envers la jeunesse congolaise, ou reste-t-elle un coup d’éclat médiatique ? Le don de farine de maïs, s’il est bienvenu, ne doit pas faire oublier les défis structurels auxquels fait face l’enseignement supérieur en RDC, tels que le manque de bourses, l’insuffisance des infrastructures et la cherté de la vie.
Le lieutenant général Kasongo Kabwik a annoncé que cette dotation présidentielle s’étendra à d’autres universités et instituts supérieurs du pays. Par ailleurs, il a promis l’ouverture prochaine de cantines étudiantes à travers le pays, une mesure qui, si elle est mise en œuvre, pourrait significativement améliorer les conditions de vie des jeunes. Ces promesses laissent entrevoir une volonté d’étendre l’action sociale du Service national au-delà des seuls aspects sécuritaires. Mais leur concrétisation sera-t-elle à la hauteur des attentes ?
Cette distribution symbolise ainsi un double enjeu : soutenir une jeunesse estudiantine souvent laissée pour compte, et réinsérer des éléments marginalisés par le travail agricole. Dans un pays où les défis sociaux sont immenses, de telles actions, bien que ponctuelles, ouvrent la voie à une réflexion plus large sur l’inclusion et la dignité. La farine de maïs, produit de base, devient ici le vecteur d’un message d’espoir et de transformation. Reste à voir si ces initiatives seront pérennisées et étendues à l’ensemble du territoire, ou si elles resteront des gestes isolés dans un paysage social fracturé. L’action sociale envers les étudiants doit-elle se limiter à des dons alimentaires, ou intégrer une vision holistique de leur bien-être ? La réponse à cette question déterminera l’avenir de toute une génération.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
