Il était 2 heures du matin, ce jeudi 25 décembre, dans le quartier Ndesha à Kananga. Un fracas sourd, puis des cris d’enfants ont déchiré la nuit, réveillant Sabine Meta et ses voisins. « Nous étions déjà endormis lorsque nous avons entendu des jeunes garçons qui criaient sur la route. Comme personne n’a ouvert, ils sont descendus dans notre parcelle et ont frappé à la porte », raconte-t-elle, la voix encore empreinte d’émotion. La maison voisine, perchée au bord d’un ravin, venait de s’effondrer. Par miracle, les enfants qui s’y trouvaient seuls, leurs parents étant absents, ont pu être récupérés sains et saufs grâce à l’intervention rapide des riverains.
Cet effondrement maison Kananga au croisement des avenues Kakenge et Kabue n’a heureusement fait aucune victime. Mais il laisse derrière lui un gouffre de questions et de biens familiaux engloutis. L’incident, survenu après de fortes pluies Kasaï-Central, n’est malheureusement pas un cas isolé. Il met en lumière une réalité glaçante : des familles entières vivent au bord du précipice, littéralement, menacées par l’érosion galopante. Comment en est-on arrivé là ? Jusqu’à quand devront-ils vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête ?
Sabine Meta, qui a recueilli les enfants pour la nuit, pointe du doigt le ravin Kananga qui encercle le secteur. « Les maisons d’ici sont encerclées par trois têtes d’érosion, qui ont déjà avalé une vingtaine d’habitations », confie-t-elle. Son témoignage dessine le portrait d’une communauté en sursis, où chaque nouvelle averse rime avec angoisse. Les murs se fissurent, le sol se dérobe, et avec lui, la sécurité de centaines de personnes. L’érosion Kananga n’est pas une fatalité météorologique, mais bien le symptôme d’un abandon.
Il y a quelques mois, un espoir était né. L’entreprise Safrimex avait commencé des travaux de consolidation pour freiner la progression des ravins. Mais aujourd’hui, ces chantiers sont à l’arrêt, laissant derrière eux des tranchées béantes et des promesses non tenues. Pour les habitants, cet arrêt est incompréhensible et insupportable. « Ils ont commencé, puis plus rien. Nous attendons, mais chaque jour qui passe nous rapproche du drame », soupire un riverain qui préfère garder l’anonymat, par crainte de représailles. Les biens de grande valeur perdus dans l’effondrement de cette nuit de décembre ne sont que la partie visible d’un iceberg de précarité.
La colère et l’inquiétude grandissent dans le quartier. L’appel à une intervention autorités locales devient un cri unanime. Les populations riveraines exigent que les travaux antiérosifs reprennent de toute urgence, non pas comme un simple geste technique, mais comme un acte de sauvegarde de vies humaines. « Nous demandons aux autorités de nous écouter. Nos parcelles disparaissent, nos maisons tremblent. Bientôt, ce sera peut-être une famille entière qui sera emportée », alerte Sabine Meta. Son discours résume le sentiment d’abandon qui mine la confiance envers les responsables publics.
Derrière ce drame évité de justesse se cache un enjeu sociétal majeur pour Kananga et toute la région du Kasaï-Central. La gestion des risques naturels, l’urbanisation anarchique et la responsabilité des pouvoirs publics sont ici mises à nu. Les fortes pluies, de plus en plus fréquentes et intenses avec les changements climatiques, aggravent une situation déjà critique. Peut-on continuer à regarder ailleurs alors que des familles dorment chaque nuit avec la peur au ventre ? L’inaction n’est-elle pas, en soi, une forme de complicité ?
L’urgence est maintenant dans les mains des décideurs. Les habitants de Ndesha, comme tant d’autres à Kananga, n’ont plus le luxe d’attendre. Ils ont besoin de voir des bulldozers et des ingénieurs sur le terrain, pas seulement après une catastrophe, mais en amont, pour la prévenir. La sécurité des citoyens doit primer sur toute autre considération. L’histoire de cette nuit du 25 décembre, avec ses enfants sauvés in extremis, doit servir de déclic. Avant que le prochain effondrement ne soit pas aussi clément.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
