Dans un communiqué rendu public ce mercredi 24 décembre, le maire de la ville de Matadi, Dominique Nkodia Mbete, a annoncé une mesure radicale : l’interdiction pure et simple des manifestations publiques ainsi que de l’usage des pétards avant, pendant et après les festivités de fin d’année 2025. Cette décision, qui s’étend « jusqu’à nouvel ordre », s’inscrit dans le sillage des instructions émanant du gouverneur du Kongo-Central, Grâce Nkuanga Masuangi Bilolo, et du vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani Lukoo. D’emblée, elle pose la question de l’équilibre entre sécurité publique et libertés individuelles en période de célébration.
Le maire Nkodia, en brandissant l’impératif de sécurité, place les bourgmestres et les services de maintien de l’ordre en première ligne pour l’application stricte de cette interdiction. Cette délégation de responsabilité n’est pas sans rappeler les défis récurrents de la gouvernance locale en République Démocratique du Congo, où les édiles municipaux doivent souvent naviguer entre les directives centrales et les réalités du terrain. La mesure vise explicitement à garantir des fêtes de fin d’année paisibles à Matadi, métropole portuaire stratégique dont la stabilité est cruciale pour toute la région du Kongo-Central.
Mais au-delà de l’affichage sécuritaire, cette interdiction des manifestations et des pétards interroge. Est-elle le signe d’une anticipation de troubles potentiels, ou simplement l’application mécanique d’un cahier des charges descendu de Kinshasa ? Le timing de l’annonce, à la veille des réjouissances, suggère une volonté de préemption, peut-être motivée par des incidents passés ou des renseignements spécifiques. Pourtant, on peut s’interroger sur l’efficacité réelle d’une telle prohibition dans une ville où la tradition des pétards est ancrée et où l’expression publique, même festive, peut rapidement prendre une tournure politique.
La référence aux autorités provinciales et nationales n’est pas anodine. Elle inscrit cette décision dans une chaîne de commandement hiérarchique qui renforce sa légitimité formelle, mais qui peut aussi servir de paravent à l’édile local. En s’alignant sur les consignes du gouverneur Bilolo et du ministre Shabani, le maire de Matadi, Dominique Nkodia, se protège tout en affichant son loyalisme. Une stratégie classique dans le paysage politique congolais, où les responsables locaux doivent sans cesse ménager leur base électorale et leurs supérieurs.
Quelles seront les conséquences pratiques de cette interdiction des manifestations à Matadi ? Les services de sécurité, déjà souvent débordés, auront-ils les moyens de faire respecter une telle mesure sur l’ensemble du territoire communal ? L’usage des pétards, souvent associé aux célébrations populaires, sera-t-il aisément contrôlable ? L’appel au respect lancé à la population témoigne d’une certaine défiance, ou du moins d’une reconnaissance des limites de la coercition. Garantir des fêtes paisibles en 2025 passe-t-il nécessairement par une restriction des expressions joyeuses ?
Cette initiative du maire Nkodia s’inscrit dans un contexte plus large de renforcement des mesures sécuritaires dans le Kongo-Central, une province périphérique mais vitale pour l’économie nationale. Les autorités semblent déterminées à éviter tout débordement, qu’il soit festif ou politique, pendant une période sensible. Cependant, une interdiction aussi large peut être perçue comme une mesure autoritaire, risquant de créer des frustrations au sein de la population. La recherche de l’ordre public ne doit-elle pas s’accompagner d’une pédagogie et d’alternatives pour canaliser l’enthousiasme populaire ?
En conclusion, la décision du maire de Matadi, Dominique Nkodia, d’interdire manifestations et pétards pour les fêtes de fin d’année 2025, est un coup d’éclat sécuritaire qui répond à des impératifs hiérarchiques. Son succès dépendra de la capacité des services à l’appliquer sans heurts, et de l’acceptation par les habitants. Les prochains jours révéleront si cette approche restrictive est la clé de fêtes véritablement paisibles, ou si elle alimente un sentiment de contrainte peu propice à la joie collective. L’enjeu, in fine, est de concilier sécurité et convivialité dans une région en quête de stabilité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
