Une réponse sanitaire massive a été déployée dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu, pour faire face à une menace persistante. En l’espace d’une semaine, pas moins de 9 962 enfants âgés de 6 à 59 mois ont reçu le vaccin contre la rougeole dans les aires de santé de Katoyi et de Kirotshe. Ce chiffre, particulièrement significatif, dépasse de plus de 35% l’objectif initial fixé à 7 312 enfants, démontrant une forte mobilisation communautaire face à l’urgence.
Cette campagne ciblée, menée en priorité dans les centres de santé de Kasheembe et de Rubaya, n’est pas le fruit du hasard. Elle intervient comme une réaction nécessaire après une alerte épidémique prolongée de plus de cinq mois, durant laquelle de nombreux cas de rougeole ont été enregistrés et notifiés par les structures locales. Face à une maladie extrêmement contagieuse et potentiellement mortelle pour les jeunes enfants, l’action rapide des autorités sanitaires était impérative.
Comment expliquer un tel engouement pour une campagne de vaccination en période de défiance parfois observée ailleurs ? La réponse se trouve peut-être dans la dure réalité vécue par les populations. Après avoir subi les conséquences directes de la maladie au sein de leurs foyers pendant plusieurs mois, les parents, notamment dans l’aire de santé de Rubaya, ont massivement répondu présent. Cette adhésion est le signe d’une prise de conscience aiguë des risques. Véridique Ndagijimana, infirmier titulaire adjoint du centre de santé de référence de Rubaya, ne cache pas sa satisfaction : « Le gouvernement a proposé une campagne contre cette rougeole. On a organisé une stratégie fixe. Les mamans ont fréquenté les centres. Au total, nous avons vacciné 9962 enfants sur 7312 attendus », a-t-il confirmé, soulignant l’efficacité de la stratégie mise en place.
Cette réussite opérationnelle dans les zones de Kirotshe et Katoyi est une lueur d’espoir, mais les acteurs de terrain appellent à ne pas baisser la garde. L’infirmier Ndagijimana lance un appel pressant aux parents : au-delà de cette riposte d’urgence, il est crucial de respecter scrupuleusement le calendrier vaccinal de routine. C’est la seule façon d’assurer une protection durable et de construire une immunité collective robuste contre la rougeole et d’autres maladies évitables. La vaccination de routine est le bouclier quotidien de la santé infantile, bien plus efficace que les seules interventions ponctuelles en période de crise.
Cependant, derrière ce succès se profile un défi plus large et plus profond. Un leader communautaire de la zone de santé de Katoyi tire la sonnette d’alarme en liant directement la résurgence d’épidémies comme celle-ci à l’instabilité chronique de la région. Pour lui, la rougeole à Masisi n’est qu’une manifestation parmi d’autres des conséquences dramatiques de l’insécurité. Comment un système de santé peut-il fonctionner de manière optimale lorsque les bases mêmes de la paix et de la stabilité sont fragilisées ? Les cycles de violence perturbent l’accès aux soins, entravent les campagnes de prévention et épuisent les ressources déjà limitées.
La leçon est double. D’une part, l’épisode démontre que lorsque les communautés sont correctement informées et que les moyens sont déployés, la prévention par la vaccination fonctionne, même dans des contextes difficiles comme le Nord-Kivu. D’autre part, il rappelle avec force que la paix et la sécurité sont des déterminants fondamentaux de la santé publique. Protéger les enfants de la rougeole aujourd’hui est essentiel, mais construire les conditions d’un avenir où ces campagnes d’urgence ne seraient plus nécessaires l’est tout autant. La santé des enfants est indissociable de la stabilité de leur environnement.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
