Dès les premières lueurs de l’aube, ce jeudi 25 décembre, les portes des églises catholiques de Beni se sont ouvertes, accueillant un flot ininterrompu de fidèles. Dans cette ville du Nord-Kivu, épicentre de violences récurrentes, la messe de minuit et les célébrations de la Nativité ont revêtu une signification particulière, bien au-delà du simple rituel religieux. Ici, chaque cantique, chaque prière semble porter le poids d’une attente collective : celle de voir enfin la paix s’installer dans cette région meurtrie.
« Malgré les atrocités, comme nous commémorons la venue de Jésus-Christ, nous aurons toujours la paix. Nous continuons à espérer que partout nous aurons la paix. » La voix de Jonathan Musibao, ancien d’une paroisse locale, résonne avec une conviction teintée de lassitude. Son témoignage, partagé par de nombreux chrétiens catholiques de Beni, résume le paradoxe de ce Noël : célébrer la naissance du « Prince de la Paix » dans un environnement où la sécurité reste un luxe précaire. Comment, en effet, ne pas être saisi par le contraste entre la ferveur des chants de louange et le lourd dispositif sécuritaire déployé dans les rues ?
Les célébrations de Noël à Beni ont été soigneusement préparées. Certaines paroisses ont opté pour une décoration renouvelée, arborant des couleurs vives pour marquer la solennité de l’événement. D’autres ont organisé des activités festives et culturelles, tentant d’offrir un moment de répit et de joie collective. Pour une nuit, les préoccupations du quotidien semblent s’estomper derrière la lumière des bougies et la mélodie des chants. Mais cette parenthèse festive peut-elle vraiment faire oublier la réalité du terrain ? La capacité des populations à veiller toute la nuit, rendue possible par la présence visible des forces de l’ordre, rappelle que la normalité, ici, reste conditionnelle.
Cette situation pose une question fondamentale : jusqu’où la foi peut-elle servir de rempart contre l’instabilité ? Les chrétiens catholiques du Nord-Kivu, et particulièrement ceux de Beni, semblent répondre par l’action et l’espérance. Leur présence massive dans les lieux de culte envoie un message fort. C’est un acte de résistance silencieuse, une affirmation que la vie et la communauté persistent malgré la peur. Leurs célébrations de Noël ne sont pas une fuite, mais plutôt une manière de réaffirmer leurs droits à la sécurité, à la dignité et à une existence paisible. Les autorités religieuses, de leur côté, jouent un rôle crucial en maintenant ces espaces de rassemblement et de réconfort, essentiels pour le moral des populations.
Au-delà des cantiques et des décorations, le Noël célébré à Beni met en lumière des enjeux sociétaux profonds. Il révèle la formidable résilience d’une population qui refuse d’abdiquer. Il interroge aussi sur l’efficacité des mesures de sécurité ponctuelles face à des conflits qui nécessitent des solutions politiques durables. La paix à Beni et dans le Nord-Kivu ne se décrète pas seulement le temps d’une nuit de fête ; elle se construit jour après jour, dans la justice, le développement et le dialogue. L’espoir exprimé dans les églises ce 25 décembre doit trouver un écho dans les actions concrètes des décideurs aux niveaux local et national.
Alors que les échos des célébrations s’estompent, l’avenir immédiat de Beni reste suspendu à cette quête de stabilité. Les chrétiens catholiques, comme l’ensemble des communautés de la région, retournent à un quotidien où la vigilance reste de mise. Mais ils emportent avec eux la force collective puisée dans cette nuit de Noël, une force qui alimente leur persévérance. La route vers une paix définitive est encore longue, mais les célébrations de la Nativité à Beni auront au moins démontré une chose : au cœur de la tourmente, l’espérance, elle, ne désarme pas. Les prières pour la paix à Beni continueront de s’élever, bien au-delà de la période des fêtes, portant l’exigence d’un changement tangible pour tous les habitants du Nord-Kivu.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
