« Comment célébrer Noël quand on ne peut même pas acheter un nouveau vêtement pour ses enfants ou préparer un repas un peu spécial ? » Cette question, nombre d’habitants du territoire de Kimvula, dans la province du Kongo-Central, se la sont posée avec amertume ce 25 décembre. Loin des lumières et des réjouissances habituelles, la fête est passée ici dans un silence pesant, teinté de résignation. La cause ? Un enclavement si sévère qu’il transforme les courses de fin d’année en un parcours du combattant quasi impossible, une réalité cruelle qui met en lumière les fractures territoriales de la RDC.
Imaginez un instant : près de 200 kilomètres de piste défoncée, transformée en bourbier à la moindre averse, qui séparent Kimvula du territoire voisin de Madimba. C’est le calvaire quotidien que représente la route nationale numéro 16. En cette saison des pluies, le trajet devient une épreuve. Même les motos, pourtant agiles, mettent deux jours entiers pour relier les deux localités. Et le prix à payer est exorbitant : plus de 100 dollars américains pour un aller simple, une somme faramineuse pour des familles aux revenus modestes. Comment, dans ces conditions, envisager d’aller chercher des denrées alimentaires, des vêtements neufs ou des produits manufacturés pour les fêtes ? L’enclavement n’est plus un simple mot administratif ; c’est une prison à ciel ouvert qui étouffe l’économie et les espoirs d’une population entière.
L’administrateur du territoire, Vital Lusaku, dresse un constat sans appel. Son témoignage, diffusé sur les ondes, résonne comme un cri d’alarme pour toute la région de Kimvula. « La population n’a tout simplement pas pu se procurer le nécessaire », confirme-t-il, pointant du doigt l’état déplorable de cet axe vital. Cette situation illustre un problème récurrent en République Démocratique du Congo : l’abandon des infrastructures de base dans de nombreuses zones rurales. La route nationale 16, loin d’être une simple voie de circulation, est l’artère économique de Kimvula. Son effondrement signifie l’asphyxie des petits commerces, la flambée des prix due aux coûts de transport prohibitifs, et in fine, l’appauvrissement accru des habitants. Que reste-t-il de la joie de Noël quand les étals des marchés sont vides et que le voyage pour les approvisionner relève de l’exploit ?
Face à cette détresse, l’appel lancé par Vital Lusaku prend une dimension particulière. Alors que les supermarchés de Kinshasa ou d’autres grandes villes affichent une baisse des prix pour les fêtes, il exhorte ses administrés à « vivre ces moments dans la paix ». Un vœu pieux, ou un acte de résistance ? Dans un contexte où le manque matériel est criant, trouver la sérénité devient un défi en soi. Cet appel à la paix intérieure et sociale révèle aussi la peur latente que la frustration ne dégénère. Quand les festivités sont privées de leur substance – la nourriture partagée, les habits de fête, les petits cadeaux –, le risque de tensions sociales peut grandir. L’administrateur tente ainsi de maintenir un lien social fragile, dans l’attente d’une solution qui tarde à venir.
Le drame de Kimvula dépasse le simple fait divers saisonnier. Il pose une question fondamentale sur l’équité territoriale et le droit à la dignité pour tous les Congolais, où qu’ils vivent. Pourquoi certaines régions sont-elles condamnées à l’oubli et à l’isolement, surtout en période de fête qui est censée unir ? L’état de la RN16 est le symptôme d’un malaise plus profond : le manque d’investissement dans les infrastructures de désenclavement, vitales pour le développement et la cohésion nationale. Les habitants de Kimvula, comme bien d’autres dans des territoires reculés du Kongo-Central et d’ailleurs, attendent plus que des paroles. Ils attendent des actes concrets, un engagement de l’État à réhabiliter cette artère de vie. Sans cela, combien de Noëls tristes devront-ils encore endurer ? La balle est désormais dans le camp des décideurs. L’espoir, ténu, est que le témoignage de Vital Lusaku et la détresse silencieuse de Kimvula servent enfin de déclic pour sortir cette région de son isolement et lui offrir des fêtes dignes de ce nom.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
