Imaginez un Noël sans lumières, sans rires d’enfants déballant des cadeaux, sans repas de fête partagé en famille. C’est le sombre tableau qui s’est imposé dans le territoire de Kimvula, dans le Kongo-Central. Alors que les chants de Noël résonnaient ailleurs, ici, le silence et la résignation étaient les seuls hôtes. La promesse de fin d’année s’est évanouie, étouffée par un isolement criant qui a privé des milliers de familles de l’essentiel.
« Comment célébrer quand on ne peut même pas acheter un vêtement neuf pour son enfant ou de la farine pour faire un gâteau ? », interroge, la voix lourde, un habitant du chef-lieu. Cette question, beaucoup se la sont posée, impuissants. Les étales des marchés sont restées désespérément vides de produits manufacturés et de denrées alimentaires de fête. La faute à qui ? Non pas à une pénurie, mais à une route devenue infranchissable, une artère vitale coupée.
Le coupable a un nom : la route nationale 16. Ce ruban de terre et de boue, long de près de 200 kilomètres, qui relie Kimvula au territoire de Madimba, est dans un état de délabrement avancé. En cette saison des pluies, elle se transforme en un véritable bourbier, piégeant toute tentative de circulation. L’enclavement n’est plus un concept administratif, mais une réalité quotidienne et brutale. « Même les motos mettent deux jours pour parcourir cette route », déplore l’administrateur du territoire, Vital Lusaku. Un trajet qui, en temps normal, ne prendrait que quelques heures.
Cet isolement forcé a des conséquences économiques directes et terribles. Le coût du transport explose, se répercutant mécaniquement sur le prix des biens. Emprunter cette route devenue un chemin de croix coûte désormais plus de 100 dollars américains. Une somme exorbitante pour une population aux revenus modestes, qui transforme le kilo de riz ou de sucre en produit de luxe inaccessible. Comment, dans ces conditions, assurer l’accès aux produits alimentaires de base, sans parler des articles pour les fêtes ? L’isolement du territoire Madimba et de ses voisins est tel qu’il anéantit le pouvoir d’achat et plonge les communautés dans une précarité accentuée lors des périodes censées être joyeuses.
Le témoignage de l’administrateur Vital Lusaku, poignant, résonne comme un cri d’alarme lancé aux autorités. Derrière les statistiques sur la dégradation des routes, il y a des visages, des familles, des enfants qui ont vu Noël passer sans eux. Cet événement met en lumière une vérité plus large et plus amère : le développement d’une région tout entière est entravé par ses infrastructures. Si les personnes et les marchandises ne peuvent circuler, comment espérer une amélioration économique, sociale, ou même sanitaire ?
Face à cette détresse, l’appel lancé par les autorités locales à « vivre ces moments dans la paix » sonne à la fois comme un vœu pieux et une nécessité de survie. La paix, ici, c’est peut-être celle de ne pas sombrer dans la colère face à l’abandon. La tristesse de ce Noël à Kimvula est le symptôme d’un mal plus profond : l’oubli de territoires entiers, condamnés à l’immobilité. Alors que les projecteurs se braquent souvent sur les grands centres urbains, que fait-on pour ces zones rurales, ces villages coupés du monde, dont la seule faute est de ne pas être situés sur un axe prioritaire ?
L’histoire de ce Noël triste à Kimvula pose une question fondamentale sur l’équité territoriale en République Démocratique du Congo. Jusqu’à quand laissera-t-on des communautés entières enchaînées par la boue et le mauvais état des voies de communication ? La réparation de la RN16 n’est pas qu’un simple chantier routier ; c’est un impératif de dignité. C’est la condition sine qua non pour que, l’année prochaine, la lumière de Noël puisse enfin briller aussi dans le ciel de Kimvula, apportant avec elle l’espoir d’un avenir moins isolé et plus prospère.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
