Les cris de joie et les chants d’allégresse ont résonné dans les collines du quartier Sayo, à Beni, ce mercredi 24 décembre. Pour les habitants des cellules Mundubiena et Kaghirimunda, ce n’était pas un simple chantier qui débutait, mais le prélude à une libération. Une libération du fardeau quotidien de la corvée d’eau, une lutte contre l’insécurité et les maladies. Le premier coup de pioche du projet d’adduction d’eau, financé par la MONUSCO, a été accueilli comme une bénédiction, un « cadeau de Noël » tant attendu pour cette communauté éprouvée.
Ici, la vie tourne autour d’une quête épuisante. Femmes et jeunes filles, souvent dès l’aube, entament des marches harassantes sur des sentiers escarpés, à la recherche de points d’eau souvent insalubres. « La population avait des difficultés d’accéder à l’eau potable », témoigne un habitant, résumant une réalité partagée par des milliers. Cette eau de ruissellement, recueillie dans des mares ou des cours d’eau non protégés, est un cocktail dangereux. Elle charrie des germes responsables de maladies hydriques qui frappent régulièrement les familles, particulièrement les enfants. Dans une zone où de nombreux habitants sont des déplacés retournés, encore meurtris par la crise sécuritaire, cette précarité sanitaire ajoute une couche de vulnérabilité insoutenable.
Le projet d’adduction d’eau à Sayo est bien plus qu’une réponse technique. C’est une bouée de sauvetage lancée au cœur d’une détresse quotidienne. En apportant une source d’eau propre et accessible, il vise à briser un cycle infernal. Finies, ou du moins réduites, les longues heures perdues à la collecte, heures qui pourraient être consacrées à l’éducation, aux activités génératrices de revenus ou simplement au repos. Réduit aussi, le risque permanent d’agression que courent les femmes et les filles sur ces chemins isolés. La sécurité, dans le Nord-Kivu, passe aussi par l’accès à l’eau.
La dimension symbolique de cette initiative n’a pas échappé aux autorités locales et aux responsables de la MONUSCO. Abdourahmane Ganda, chef du sous-bureau de la MONUSCO à Beni, l’a présenté comme un geste d’amitié et de solidarité concrète. « Nous nous sommes empressés pour faire ce cadeau de Noël à la population parce qu’on ne voit pas ce qu’on peut offrir à un être humain qui est mieux que l’eau. Et ça aussi renforce notre amitié avec la population de Sayo », a-t-il déclaré. Ces mots traduisent une volonté de dépasser le simple mandat sécuritaire pour toucher aux besoins fondamentaux, créant un lien plus tangible avec les communautés. Après des années de tensions et de méfiance parfois, un projet comme celui-ci peut-il contribuer à retisser un dialogue de confiance ? La réponse des habitants, par leur joie manifeste, semble indiquer une voie positive.
Pourtant, l’enthousiasme du démarrage ne doit pas occulter les défis. Les travaux sont prévus pour durer deux mois. Deux mois durant lesquels il faudra veiller à la bonne exécution du chantier, à la qualité des infrastructures et, surtout, à la pérennité du système. Trop de projets en RDC naissent dans la liesse pour s’éteindre quelques mois plus tard, faute de maintenance ou de gestion communautaire efficace. La réussite à long terme de ce forage à Beni dépendra de l’implication continue de la population de Sayo et des autorités locales dans sa gestion. L’accès à l’eau potable est un droit, pas un privilège temporaire.
Ce projet, ciblant spécifiquement le quartier Sayo, pose aussi une question plus large : celle de l’équité dans l’accès aux services de base à Beni et dans tout le Nord-Kivu. Si cette initiative est salutaire, combien d’autres quartiers, combien de villages alentour vivent la même détresse hydrique ? La réponse à un besoin vital identifié lors de patrouilles par les casques bleus montre l’acuité du problème. Elle doit servir de catalyseur pour une action plus vaste des autorités congolaises et de leurs partenaires. L’eau est la base de la santé publique, du développement économique et de la stabilité sociale. Investir dans l’adduction d’eau, c’est investir dans la paix.
Alors que les machines se mettent en marche à Sayo, l’espoir est permis. L’espoir de voir les femmes et les filles marcher vers l’école ou le marché, un seau vide à la main devenant un lointain souvenir. L’espoir de voir les taux de maladies hydriques chuter dans les centres de santé. L’espoir, enfin, qu’un geste concret, né de l’observation des besoins réels, puisse construire une relation plus solide entre une mission internationale et la population qu’elle est censée servir. Le chemin vers l’eau potable pour tous en RDC est encore long, mais à Beni, un premier pas significatif vient d’être franchi.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
