Dans la cathédrale Notre-Dame du Congo à Kinshasa, alors que les fidèles célébraient la nativité, la voix du Cardinal Fridolin Ambongo a résonné bien au-delà des murs de l’édifice religieux. Sa messe de la nuit de Noël s’est transformée en une tribune politique et morale d’une rare intensité, adressant un appel pressant aux élites congolaises divisées. Ce discours, prononcé en pleine période de tensions, place la paix en RDC au cœur d’un débat existentiel, interrogeant la capacité des dirigeants à transcender leurs intérêts particuliers.
« Choisissez la paix. Cessez de faire la guerre. » Ces mots, lancés avec une insistance remarquée, résument l’essence du message du primat de l’Église catholique congolaise. Le Cardinal Fridolin Ambongo n’a pas fait dans la demi-mesure, pointant du doigt une « crise de la paix » qui mine les fondements même de la nation. Son analyse est sans appel : les ténèbres de la violence et de l’injustice semblent parfois l’emporter, mais la célébration de Noël doit rappeler que cette fatalité n’est pas une conclusion inéluctable. Comment, dès lors, interpréter cet appel dans le contexte actuel ? Signale-t-il un décrochage alarmant du projet national ou constitue-t-il un dernier avertissement avant la tempête ?
L’homélie du cardinal s’est attaquée frontalement aux démons qui hantent le paysage politique congolais. En dénonçant tout « discours de division ou d’exclusion », il vise explicitement les rhétoriques ethnicisantes et les stratégies de polarisation employées par certaines factions. Ce plaidoyer pour l’unité, prononcé lors de cette messe de Noël à Kinshasa, résonne comme une critique voilée des calculs à courte vue qui fragmentent le corps social. Le cardinal, figure respectée au-delà des clivages, joue ici un rôle de garde-fou institutionnel, rappelant aux « acteurs sociaux et politiques » leurs responsabilités historiques. Son autorité morale lui permet de franchir des lignes que peu d’autres personnalités publiques osent approcher.
La référence à une « espérance qui ne trompe pas » n’est pas qu’une formule pieuse. Elle constitue le socle d’une argumentation politique subtile. En invoquant la foi, le cardinal place la construction de la paix dans une perspective qui dépasse le simple réalisme politicien. Il suggère ainsi que la résolution de la crise actuelle nécessite une conversion des mentalités et une volonté authentique de servir l’intérêt général. Cet appel à un sursaut éthique est-il encore audible dans l’arène politique congolaise, souvent décrite comme cynique ? La question mérite d’être posée, tant les logiques de pouvoir semblent parfois imperméables aux considérations morales.
L’intervention du Cardinal Fridolin Ambongo s’inscrit dans une tradition où l’Église catholique congolaise se pose en médiatrice et en conscience de la nation. Ce rôle, assumé avec force durant les périodes de transition, lui confère une influence considérable. Son discours pour la paix au Congo n’est donc pas un vœu pieux isolé, mais une intervention stratégique dans le débat public. En choisissant la tribune symboliquement puissante de la messe de minuit, il maximise la portée de son message, s’assurant qu’il sera relayé bien au-delà des cercles religieux. L’Église se positionne une fois de plus comme un acteur politique incontournable, capable de fixer l’agenda des priorités nationales.
Les implications de cet appel sont multiples. D’abord, il isole ceux qui, par leurs paroles ou leurs actions, entretiennent les divisions. Ensuite, il offre un cadre de légitimité à ceux qui œuvrent pour le dialogue et la réconciliation. Enfin, il rappelle que la stabilité du pays est un bien commun qui ne peut être sacrifié sur l’autel des ambitions personnelles. La balle est désormais dans le camp des acteurs socio-économiques et politiques. Accepteront-ils de dépasser leurs rivalités pour embrasser cette vision exigeante de la paix ? Ou préféreront-ils poursuivre des stratégies dont les conséquences pourraient fragiliser durablement les institutions ?
L’appel à la paix du Cardinal arrive à un moment charnière. Alors que le pays est confronté à des défis sécuritaires, économiques et sociaux immenses, l’unité nationale n’est pas un luxe, mais une condition sine qua non de survie. Le message de Noël du cardinal Ambongo est donc aussi un appel à la raison d’État. Il invite les élites à une introspection salutaire et à un recentrage sur les impératifs fondamentaux. Dans les prochaines semaines, la réponse des principaux concernés à cette interpellation sera scrutée à la loupe. Elle révèlera si l’esprit de concorde peut encore l’emporter sur la culture de la confrontation, ou si le pays doit se préparer à naviguer dans des eaux encore plus troublées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
