Imaginez un territoire où l’eau potable se fait rare, où la nuit tombe sans électricité, et où les salles de classe ressemblent à des abris de fortune. Ce n’est pas un scénario fictif, mais le quotidien de dizaines de milliers de personnes à Walikale, dans le Nord-Kivu. Alors que ce territoire célèbre ses 72 ans d’existence, ses enfants, réunis pour réfléchir à son avenir, dressent un bilan amer : malgré des ressources naturelles immenses, le développement est un mot vide de sens ici. Les infrastructures scolaires et sanitaires sont précaires, et les besoins de base restent insatisfaits. Que signifie fêter un anniversaire quand les fondamentaux manquent ?
Face à ce constat, une lueur d’espoir émerge. Les ressortissants de Walikale ont décidé de prendre leur destin en main avec un ambitieux plan décennal agriculture Nord-Kivu. Ce projet, qui couvre tous les secteurs mais place l’agriculture au cœur de sa stratégie, vise à transformer radicalement le territoire d’ici dix ans. Porté par des figures engagées comme Prince Kihangi, député provincial honoraire, il aspire à faire de Walikale un modèle d’autosuffisance alimentaire RDC. « On peut se développer uniquement à partir de l’agriculture », affirme-t-il avec conviction. L’objectif est clair : non seulement nourrir la population locale, mais aussi vendre les excédents pour générer des revenus.
Comment expliquer qu’un territoire aussi riche soit aujourd’hui à la traîne ? Sous la colonisation belge, Walikale était reconnu pour ses productions de thé, de café arabica et robusta. Où sont passées ces cultures après le départ du colonisateur ? Prince Kihangi s’interroge, soulignant le potentiel intact pour produire un café de qualité. Le plan décennal prévoit de redynamiser ces filières, en visant à faire de Walikale un grand producteur d’huile de palme, de cacao et de thé. « Au bout de dix ans, c’est possible », insiste-t-il, rappelant la gloire passée.
Pour y parvenir, la création d’environ cinq coopératives agricoles Kivu viables est jugée cruciale. « C’est à partir de ces coopératives que nous développerons l’agriculture et la pêche », explique Prince Kihangi. Ces structures collectives doivent permettre de mutualiser les moyens, d’améliorer les techniques et d’accéder aux marchés. Dans un contexte où la petite agriculture familiale peine souvent, ces coopératives pourraient être le levier d’une véritable révolution verte locale.
Pourtant, le défi est colossal. Sans eau courante ni électricité stable, comment moderniser l’agriculture ? Comment attirer les jeunes vers les champs quand les perspectives manquent ? Le territoire Walikale 72 ans après sa création par ordonnance royale le 17 décembre 1953, doit combler un retard accumulé depuis des décennies. Les routes sont souvent impraticables, entravant l’écoulement des productions. La réhabilitation des infrastructures, comme le montre un projet récent sur les axes routiers, est une condition sine qua non pour que le décollage économique ait lieu.
Au-delà des cultures d’exportation, l’enjeu est de garantir la sécurité alimentaire des familles. Dans une région où les conflits ont parfois fragilisé les communautés, retrouver une souveraineté alimentaire est un impératif de stabilité. Le plan décennal pour Walikale s’inscrit ainsi dans une quête plus large : celle d’un développement endogène, qui parte des besoins réels des populations et valorise leurs savoir-faire. Si cette initiative aboutit, elle pourrait inspirer d’autres territoires congolais en quête d’émancipation économique.
À l’aube de ses 73 ans, Walikale se trouve à un carrefour. Soixante-douze ans de négligence peuvent-ils être effacés en une décennie ? La route sera longue, mais la détermination des fils et filles de ce territoire est palpable. Ils ont choisi de miser sur leur terre, leurs mains et leur intelligence collective. L’agriculture n’est pas qu’une activité économique ici ; elle devient un projet de société, un acte de résistance contre l’oubli et un espoir pour les générations futures. Le temps est venu pour Walikale d’écrire, enfin, son propre chapitre de prospérité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
