La corvée d’eau, un rituel quotidien épuisant pour des milliers de femmes et d’enfants. À Walikale, territoire du Nord-Kivu qui s’apprête à souffler ses 72 bougies, l’accès à l’eau potable relève encore du parcours du combattant. « Parfois, nous marchons plus de cinq kilomètres pour remplir un bidon, et l’eau n’est même pas propre », confie une mère de famille, le regard las. Cette réalité criante symbolise le paradoxe d’une région aux richesses naturelles immenses, mais où le développement semble être resté au point mort. Comment un territoire aussi prometteur peut-il en être là, sept décennies après sa création ?
Alors que le territoire Walikale célébrera en décembre 2025 le 72e anniversaire de son érection en entité autonome, ses fils et filles dressent un constat sans appel : absence d’eau courante, précarité électrique, infrastructures scolaires et sanitaires délabrées. Pourtant, le sol est fertile et les ressources abondent. Un sentiment de frustration, mais aussi une détermination nouvelle animent désormais la communauté. Loin de se contenter de commémorer le passé, ils ont décidé de se projeter résolument vers l’avenir en élaborant un ambitieux plan décennal Walikale. Ce projet de développement durable vise à transformer en profondeur tous les secteurs de la vie socio-économique locale d’ici les dix prochaines années.
Au cœur de cette stratégie de renaissance : l’agriculture Nord-Kivu. Porte-étendard de cette vision, Prince Kihangi, député provincial honoraire, en est convaincu : la clé de la prospérité de Walikale se trouve dans ses terres. « On peut se développer uniquement à partir de l’agriculture », affirme-t-il avec conviction. L’objectif est audacieux mais clair : atteindre l’autosuffisance alimentaire et devenir un exportateur majeur de produits de qualité. « Au bout de dix ans, c’est possible que Walikale soit compté parmi les grands producteurs d’huile de palme, de cacao et de thé », projette-t-il, rappelant avec amertume l’âge d’or de la colonisation belge où le café arabica et robusta y prospéraient. Où sont donc passées les traces de ce café après le départ du colonisateur ? La question, rhétorique, souligne un gâchis et un potentiel inexploité.
Le plan ne se limite pas à des déclarations d’intention. Il prévoit la création d’environ cinq coopératives agricoles viables, véritables piliers du développement de l’agriculture et de la pêche. « C’est à partir de ces coopératives que nous développerons l’agriculture et la pêche », insiste Prince Kihangi. Cette approche collective vise à structurer la production, à mutualiser les moyens et à offrir aux paysans un accès plus juste aux marchés. Il s’agit ni plus ni moins de redonner sa dignité au monde rural de Walikale, longtemps laissé pour compte et souvent en proie à l’insécurité. Le développement de ces filières agricoles pourrait être un puissant vecteur de stabilisation et de paix dans une région marquée par les conflits.
Derrière ce projet, c’est tout un enjeu de gouvernance et de prise en main du destin local qui se joue. Pendant des décennies, les habitants de Walikale ont attendu que le développement vienne d’ailleurs, de l’État central ou d’acteurs externes. Leur démarche actuelle marque un tournant : ils reprennent leur avenir en main. Le plan décennal est avant tout une initiative endogène, née de la prise de conscience collective que les ressources sont là, mais qu’elles doivent être valorisées par et pour la population. Cette volonté de se réapproprier son développement est peut-être le signe le plus encourageant pour l’avenir du territoire.
Alors que les travaux de réhabilitation de plusieurs routes à Walikale ont débuté, offrant un signe tangible d’amélioration des infrastructures, le chemin reste long. Le défi est de taille : transformer un territoire enclavé et oublié en un pôle agricole dynamique et auto-suffisant. La réussite de ce plan décennal Walikale dépendra de la mobilisation de tous, de l’implication des autorités à tous les niveaux et d’un partenariat sincère avec les bailleurs. À l’aube de ses 72 ans, Walikale se trouve à un carrefour. Saura-t-il saisir cette occasion historique d’écrire, enfin, un chapitre de prospérité et de dignité pour ses enfants ? La réponse se construira jour après jour, dans les champs, les coopératives et la détermination inébranlable d’hommes et de femmes comme Prince Kihangi et tous ceux qui croient en l’avenir de leur terre.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
