L’École nationale d’administration (ENA) de la République démocratique du Congo vient de franchir un cap symbolique en obtenant la certification ISO 9001-2015, délivrée par l’Agence française de normalisation (AFNOR). Cet événement, survenu ce lundi 22 décembre à Kinshasa, est présenté par les autorités comme le fer de lance de la vaste réforme de l’administration publique portée par le gouvernement Suminwa. Mais au-delà des discours officiels, cette reconnaissance internationale interroge : s’agit-il d’un véritable tournant pour la norme qualité administration congolaise ou simplement d’une vitrine cosmétique dans un paysage administratif souvent critiqué pour sa lourdeur et son inefficacité ?
La cérémonie de remise de la certification, organisée en grande pompe, a réuni une pléiade de personnalités, dont le vice-Premier ministre et ministre de la Fonction publique, Jean-Lihau, et le directeur général de l’AFNOR, Keinde. Dans son allocution, Tombola Muke, directeur général de l’ENA, a tenu à saluer l’implication de tous les agents et cadres de l’établissement, soulignant que ce processus de certification s’inscrit pleinement dans la philosophie gouvernementale : « réformer l’ENA pour réformer l’État ». Une déclaration qui place d’emblée cette ENA Kinshasa certification sous le signe d’un projet politique ambitieux, voire risqué.
Pour le directeur de l’AFNOR, cette certification témoigne de la capacité de l’ENA à contribuer au bien-être de son personnel et, par extension, à celui des travailleurs du secteur public. Il a exprimé sa conviction que cet aboutissement ouvre la voie à une amélioration continue de la qualité des services. De son côté, le vice-Premier ministre Jean-Lihau n’a pas manqué de rappeler le caractère historique de cette étape, tout en lançant un appel au maintien des efforts : « La certification de l’ENA est le couronnement d’un travail acharné. Je félicite son directeur général, son directeur général adjoint et le personnel pour leur engagement ». Il a réaffirmé la volonté du gouvernement d’accompagner l’institution dans son parcours vers l’excellence.
Derrière les félicitations et les promesses, cependant, se cachent des enjeux politiques de taille. La réforme administration publique RDC est un chantier complexe, souvent évoqué mais rarement concrétisé avec succès. En obtenant la ISO 9001 Congo, l’ENA devient un laboratoire de la modernisation de l’État. Mais le gouvernement Suminwa joue gros : si cette initiative devait échouer à impulser un changement tangible, elle pourrait fragiliser la crédibilité même de la réforme, voire alimenter le scepticisme des citoyens et des partenaires internationaux. La certification, bien que technique, est donc chargée d’une lourde symbolique politique.
La norme ISO 9001, cadre international pour un système de management de la qualité, impose une discipline rigoureuse et une orientation client souvent étrangère aux cultures administratives héritées de l’époque coloniale. Son adoption par l’ENA signifie-t-elle que l’institution est prête à rompre avec les pratiques bureaucratiques délétères ? Ou bien s’agit-il d’un simple affichage, destiné à satisfaire les bailleurs de fonds et à garnir les rapports officiels ? La question mérite d’être posée, tant les précédentes tentatives de réforme ont buté sur des résistances internes et des lacunes structurelles.
À l’heure où la RDC cherche à affirmer sa gouvernance sur la scène internationale, la certification ENA RDC certification ISO pourrait servir de levier pour redorer le blason de l’administration congolaise. Mais pour que cette dynamique soit vertueuse, il faudra que les principes d’amélioration continue ne restent pas confinés aux murs de l’ENA. Ils devront essaimer à travers tous les ministères et services publics, dans un contexte de ressources limitées et d’attentes sociales croissantes. Le pari est audacieux : transformer une norme de gestion en un véritable outil de changement culturel. L’avenir dira si cette certification marque le début d’une nouvelle ère ou simplement un épisode de plus dans le long feuilleton des réformes avortées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
