La cérémonie d’échange des vœux de fin d’année au ministère des Droits humains, samedi 20 décembre, a offert à Samuel Mbemba Kabuya une tribune aussi symbolique qu’opportune. Quatre mois après sa prise de fonction dans le Gouvernement Suminwa, le ministre a choisi ce cadre protocolaire pour dresser un premier bilan, teinté d’un optimisme mesuré, et dévoiler les contours de sa feuille de route pour 2026. Ce discours, adressé aux agents et cadres de son administration, dépasse le simple exercice de communication interne ; il s’apparente à une prise de position politique sur un dossier éminemment sensible : la mémoire des violences en République Démocratique du Congo.
La pièce maîtresse de ce bilan tient en une « victoire symbolique et politique » revendiquée haut et fort : la reconnaissance, sur la scène continentale, des génocides commis en RDC durant plus de trente ans. Samuel Mbemba a mis en avant des avancées diplomatiques concrètes, notamment l’adoption de résolutions par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et par des plateformes de la société civile africaine. Cette reconnaissance, longtemps réclamée par Kinshasa, constitue-t-elle une rupture ou un simple ajustement rhétorique dans le paysage des relations internationales africaines ? Le ministre des Droits humains RDC y voit, en tout cas, un levier pour légitimer et internationaliser le récit historique porté par les autorités congolaises, un récit qui fait du conflit une entreprise d’extermination.
Cette étape, si elle est saluée, n’est cependant que préliminaire. Samuel Mbemba le sait bien, qui a rapidement fait pivoter son discours vers l’avenir et les défis structurels de son ministère. Le cœur de son projet pour 2026 repose sur trois piliers annoncés comme prioritaires. Le premier est territorial : l’installation effective des divisions provinciales des Droits humains dans toutes les provinces. Un vieux serpent de mer administratif qui, s’il se concrétise, pourrait enfin donner une capillarité réelle à une administration souvent perçue comme cantonnée à la capitale. Le second pilier concerne les ressources humaines, avec la promesse d’une « remise à niveau » des agents et cadres. Un chantier ambitieux dans un contexte budgétaire tendu, qui interroge sur les moyens alloués à cette ambition.
Mais c’est le troisième axe qui retient le plus l’attention, car il est éminemment politique : l’initiative d’une proposition de loi contre le négationnisme du génocide congolais. Samuel Mbemba joue ici un rôle clé dans la traduction juridique d’une mémoire d’État. En brandissant la menace d’une loi pour criminaliser la contestation de ce narratif, le gouvernement tente de verrouiller le débat historique et d’en faire un tabou national. Cette stratégie, inspirée de législations existantes ailleurs, est-elle la bonne réponse pour apaiser une société meurtrie ? Ou risque-t-elle, au contraire, d’étouffer la recherche académique et la liberté d’expression sous couvert de lutte pour la mémoire ? La manœuvre est audacieuse et place le ministre à l’avant-poste d’une bataille qui dépasse largement le cadre technique de son portefeuille.
Le discours du ministre a été accueilli avec une faveur manifeste par les agents présents. Une représentante du personnel a salué le « dynamisme » de Samuel Mbemba et une politique de gestion qui, selon elle, redonnerait « un nouveau rayonnement » à un ministère parfois en retrait. Cet éloge, assorti du vœu de le voir poursuivre « durablement » son action, et matérialisé par des cadeaux, peint le portrait d’un ministre en phase avec son administration, du moins dans l’enceinte feutrée de la cérémonie. Cette unité affichée est précieuse pour le gouvernement, alors que le bilan ministère Droits humains commence à se construire sur des sujets aussi polarisants.
L’année 2026 s’annonce donc comme un test décisif pour Samuel Mbemba. Son bilan positif, assis sur une reconnaissance diplomatique encore fraîche, devra se concrétiser par des réformes administratives tangibles et le passage réussi d’une loi potentiellement clivante sur le négationnisme. Le ministre a réussi, en quatre mois, à replacer son département au cœur d’un enjeu de mémoire nationale. La question qui demeure est de savoir si cette centralité politique se traduira par une efficacité réelle sur le terrain des droits fondamentaux des Congolais, ou si elle restera un exercice de communication à haut risque. La gestion du dossier de la reconnaissance du génocide congolais et la lutte contre le négationnisme génocide Congo seront les pierres de touche de son mandat. La route est tracée, les attentes sont désormais à la mesure des ambitions affichées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
