Une crise humanitaire silencieuse mais dévastatrice frappe le territoire de Nyiragongo, dans la province du Nord-Kivu. L’organisation locale Jirani Msaada a tiré la sonnette d’alarme ce lundi 22 décembre, révélant une aggravation dramatique des cas de malnutrition chez les enfants. Selon les chiffres communiqués par son coordonnateur, Jackson Kyavyavu, la situation, qui s’est détériorée depuis juin dernier, a déjà entraîné le décès d’un enfant en novembre. Comment une telle situation a-t-elle pu s’installer, et surtout, que peut-on faire pour l’enrayer ?
Les villages de Ngangi 1, Turunga et Bushagara sont actuellement en première ligne. Une enquête rapide menée sur 92 enfants au sein de 17 familles du groupement Munigi a révélé un chiffre qui donne froid dans le dos : 72 % d’entre eux sont victimes de malnutrition. Ce pourcentage n’est pas une simple statistique ; il représente des dizaines d’enfants dont la croissance et la santé sont gravement compromises. « Depuis juin, nous avons assisté à une malnutrition chez les enfants qui tend à s’amplifier », a déclaré Jackson Kyavyavu, soulignant la dynamique inquiétante de cette crise.
Qu’est-ce que la malnutrition, concrètement ? Pour le vulgariser, on peut la comparer à un corps qui fonctionnerait avec un carburant de mauvaise qualité et en quantité insuffisante. Sans les nutriments essentiels – protéines, vitamines, minéraux – le système immunitaire s’affaiblit, rendant l’enfant vulnérable aux infections les plus banales. La croissance est ralentie, et les capacités cognitives peuvent être affectées à long terme. Le plus alarmant dans la situation du Nord-Kivu est l’âge des enfants touchés. Jackson Kyavyavu note avec inquiétude que le phénomène ne se limite plus aux tout-petits mais frappe désormais des enfants de 7, 8 ou 9 ans, une tranche d’âge généralement moins exposée aux formes les plus sévères.
Cette extension de la crise humanitaire à des enfants plus âgés est un signal d’extrême gravité. Elle indique souvent que les réserves des familles sont complètement épuisées et que l’insécurité alimentaire est devenue chronique et généralisée. Dans un contexte régional déjà marqué par les déplacements de population et l’instabilité, les filets de sécurité familiaux et communautaires ont atteint leurs limites. L’aide alimentaire d’urgence et les programmes de supplémentation nutritionnelle semblent être les seuls remparts immédiats contre une tragédie annoncée.
L’appel lancé par Jirani Msaada est clair et pressant. L’organisation exhorte le Gouvernement, les acteurs humanitaires internationaux et les personnes de bonne volonté à intervenir sans délai. « Demain ou après-demain, nous enterrerons encore nos enfants, comme en novembre », craint Jackson Kyavyavu. Ses mots ne sont pas une hypothèse, mais une projection réaliste si aucune aide alimentaire substantielle n’arrive dans la région du Nord-Kivu. Sans intervention rapide, la malnutrition modérée peut basculer vers des formes sévères, mettant directement la vie des enfants en danger.
Que faire face à une telle crise humanitaire ? La réponse doit être multidimensionnelle. Dans l’immédiat, il est impératif de fournir une assistance nutritionnelle thérapeutique aux enfants déjà affectés. Cela passe par la distribution d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi, riches en énergie et en micronutriments. Parallèlement, un soutien alimentaire général aux familles est nécessaire pour empêcher que de nouveaux enfants ne basculent dans la malnutrition. Ensuite, des actions de prévention à plus long terme sont essentielles : soutien à l’agriculture locale, accès à l’eau potable et sensibilisation aux pratiques d’alimentation infantile.
La situation à Nyiragongo est un rappel cruel que la malnutrition reste un fléau majeur en RDC. Elle ne frappe pas au hasard, mais cible les populations les plus vulnérables, celles qui ont fui les conflits ou qui vivent dans des zones d’accès difficile pour l’aide humanitaire. L’alerte malnutrition lancée par Jirani Msaada doit servir de catalyseur pour une mobilisation générale. La communauté internationale et les autorités congolaises ont les moyens d’éviter le pire, à condition d’agir maintenant, avec détermination et coordination. La vie de centaines d’enfants dans le territoire de Nyiragongo en dépend.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
