Dans une région où la rumeur tue parfois aussi sûrement que les armes, une initiative concrète vient d’être lancée pour couper l’herbe sous le pied aux fausses nouvelles. La Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) a officiellement donné le coup d’envoi, ce samedi 20 décembre, à la construction d’une station radio dédiée aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) à Beni, dans le Nord-Kivu. Cet outil de communication de masse, financé dans le cadre des projets à impact rapide (QIPS), vise un double objectif : informer la population en temps réel et asséner un coup sévère à la désinformation qui empoisonne le climat sécuritaire.
Le lieutenant Marc Elongo, porte-parole des opérations militaires Sokola 1 Grand Nord, n’a pas mâché ses mots pour décrire l’enjeu. Dans un contexte sécuritaire extrêmement tendu, où chaque rumeur peut générer la panique ou saper la confiance, l’armée se retrouvait souvent démunie face à la propagation virale de fausses informations sur les réseaux sociaux et les canaux parallèles. « Il est indispensable de disposer d’un outil fiable pour informer en temps réel, éduquer et sensibiliser la population à s’approprier les opérations militaires en cours », a-t-il martelé. Cette future radio des FARDC à Beni sera donc la voix officielle, clarifiant les actions sur le terrain et rectifiant les intox en direct.
Le projet, d’un coût estimé à 50 000 dollars américains, est porté par la Section des communications stratégiques et de l’information publique (SCPID) de la MONUSCO sur place. Il ne s’agit pas d’une simple antenne émettrice. Les plans prévoient la construction d’un bâtiment complet : une salle d’émetteur, une cabine technique, une salle de rédaction pour le personnel et une salle de réception. Fait notable pour une région où les coupures de courant sont chroniques, la station sera principalement alimentée par énergie solaire, doublée d’un groupe électrogène de secours. Cette autonomie énergétique est cruciale pour garantir une diffusion continue, surtout en période de crise.
Lors de la cérémonie symbolique de pose de la première pierre, Michael Nolet, représentant du chef du sous-bureau de la MONUSCO, a insisté sur l’aspect stratégique de l’initiative. « Il y a souvent des problèmes en termes de communication et nous croyons qu’avec la construction de cette radio, nous allons pouvoir renforcer ce rapprochement civilo-militaire pour mieux combattre la désinformation qui souvent vient freiner nos activités », a-t-il déclaré. Son propos souligne une vérité amère : dans le Nord-Kivu, la méfiance et les fausses informations peuvent constituer des obstacles aussi redoutables que les groupes armés eux-mêmes, entravant les opérations et isolant l’armée des civils qu’elle est censée protéger.
Cette nouvelle infrastructure viendra remplacer l’ancienne radio militaire de la région, muette depuis plus de trois ans. Son silence avait laissé un vide informationnel rapidement comblé par toutes sortes de récits, souvent contradictoires et manipulateurs. Désormais, les populations du Grand Nord-Kivu, notamment autour de Beni, pourront recevoir une information fiable, vérifiée et provenant directement de la source militaire. Comment évaluer l’impact d’une information claire en temps de conflit ? La réponse se trouve peut-être dans la capacité à restaurer un minimum de confiance et de cohésion sociale.
Les projets QIPS de la MONUSCO, dont celui-ci est une parfaite illustration, sont conçus pour apporter des solutions tangibles et rapides aux défis locaux, en complément des efforts de paix plus larges. Financer une radio peut sembler anodin face à la violence des combats, mais c’est reconnaître que la bataille des récits est devenue un front à part entière dans les conflits modernes. Donner une voix claire et crédible à l’armée, c’est lui offrir une arme supplémentaire pour gagner la confiance des citoyens et isoler ceux qui prospèrent dans l’ombre du mensonge.
La réussite de cette entreprise dépendra cependant de son utilisation effective. La station saura-t-elle produire un contenu accessible et crédible pour les communautés locales ? Pourra-t-elle réagir avec la rapidité nécessaire pour contrer les fausses nouvelles qui se propagent à la vitesse d’un clic ? L’enjeu de la communication militaire transparente est désormais posé. Dans les prochains mois, les ondes de cette nouvelle radio seront scrutées, autant pour ce qu’elles diront que pour les silences qu’elles combleront. Dans l’est de la RDC, où l’incertitude est une constante, chaque parole de vérité compte.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
