Le rond-point du Cinquantenaire à Buta a servi de cadre samedi dernier à une démonstration de force politique aussi concrète que symbolique. En présentant solennellement dix-huit engins de construction flambant neufs, le gouverneur Mike-David Mokeni ne se contentait pas d’organiser une simple cérémonie de remise de matériel. Il s’agissait ni plus ni moins de la première matérialisation tangible d’une promesse électorale faite il y a dix-sept mois, placée sous le signe de l’aménagement du territoire. Un pari politique risqué, où la crédibilité de l’exécutif provincial se jouera désormais sur le bitume.
Le choix du lieu et de la mise en scène ne doit rien au hasard. En exposant ces deux excavatrices, deux bulldozers, deux porte-chars, trois chargeurs, trois niveleuses, trois camions-bennes et trois compacteurs acquis sur « fonds propres » de la province, Mike-David Mokeni répond à une attente criante des populations du Bas-Uélé. Les routes, ou plutôt leur état de délabrement avancé, constituent l’un des principaux griefs des citoyens contre l’autorité publique, entravant le développement économique et l’accès aux services de base. Ce déploiement de matériel lourd est donc présenté comme le fer de lance d’une offensive censée redessiner la carte des mobilités dans la province.
Le ministre provincial en charge des Infrastructures, Elie Aluwa, a précisé la stratégie derrière cet investissement. L’objectif affiché est double : assurer la maintenance pérenne des axes réhabilités et participer activement à la réhabilitation des routes d’intérêt national, provincial et local. En clair, il s’agit de briser le cycle infernal de réhabilitations ponctuelles suivies d’un rapide retour à l’état d’ornière, un syndrome malheureusement trop familier dans bien des régions de la RDC. La volonté d’intervenir sur des axes structurants comme les Routes Nationales 4 et 6 (RN4 et RN6) témoigne d’une ambition certaine de désenclavement.
Le déploiement opérationnel est déjà calé. Selon Elie Aluwa, ces engins seront affectés à deux brigades distinctes. La première interviendra sur le tronçon Dulia-Bondo-Nduu de la mythique et stratégique RN4. La seconde sera déployée sur le tronçon Dunia-Aketi de la RN6. Ces axes vitaux pour l’économie locale et le commerce interprovincial sont depuis des années des casse-têtes pour les usagers. Le gouverneur joue donc gros avec cette première matérialisation de sa politique des « pieds sur terre ». L’efficacité de ces brigades et la durabilité des travaux qu’elles réaliseront seront scrutées à la loupe, tant par la population que par les adversaires politiques.
Mais au-delà du coup de communication réussi, plusieurs questions stratégiques se posent. L’acquisition sur fonds propres provinciaux est-elle le signe d’une autonomie financière retrouvée ou le révélateur des lenteurs de la centralisation ? La dotation, bien que conséquente, est-elle à la hauteur des besoins immenses d’une province au réseau routier aussi vaste que dégradé ? La gestion technique et logistique de ce parc, incluant la maintenance des engins et l’approvisionnement en carburant, représente un défi de taille qui pourra faire ou défaire la réussite du projet. Le risque de voir ces équipements devenir des « éléphants blancs » ou des instruments de clientélisme territorial n’est pas négligeable.
Mike-David Mokeni a incontestablement marqué un point en tenant symboliquement son engagement dans les délais. Il place désormais la barre très haut pour son administration. La réhabilitation des routes RN4 et RN6 dans le Bas-Uélé ne sera pas qu’une question de terrassement et de compactage. Elle deviendra le baromètre de la capacité de l’exécutif provincial à traduire les annonces en réalités palpables, à gérer un projet complexe dans la durée et à résister aux pressions et aux tentations de détournement. Les populations, longtemps habituées aux promesses non tenues, attendront des preuves concrètes et durables.
Les prochains mois seront donc décisifs. Le gouverneur a lancé ses engins de construction sur le terrain politique du Bas-Uélé. Reste à savoir s’ils parviendront à aplanir les difficultés chroniques ou s’ils s’enliseront dans les mêmes ornières qu’ils sont censés combler. La réussite de cette initiative pourrait servir de modèle pour d’autres provinces, tandis qu’un échec ou des résultats mitigés nourriraient le cynisme ambiant. L’enjeu dépasse la simple réfection des routes ; il touche à la restauration de la confiance dans la parole publique. Le chantier est ouvert, le plus complexe commence.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
