Une scène de tension inhabituelle s’est déroulée vendredi dernier devant les plus hautes autorités politico-militaires du territoire de Moba, dans la province du Tanganyika. Le chef du village Kalolo, situé dans la chefferie Kansabala, a rompu le silence pour dénoncer avec véhémence une série d’exactions militaires commises par des éléments des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) contre sa population. Son témoignage, direct et chargé d’émotion, a dressé un tableau alarmant de la situation sécuritaire dans cette localité reculée.
Devant l’administrateur du territoire, Victor Kanfwa, et le commandant du bataillon des forces terrestres des FARDC, le chef coutumier a décrit une routine de terreur. Selon ses affirmations, des militaires s’introduisent régulièrement par effraction dans les habitations des civils. Une fois à l’intérieur, ils se livreraient à des agressions physiques, tabassant les occupants sans raison apparente. Ces faits, s’ils sont avérés, constituent une violation flagrante des droits humains les plus fondamentaux et une trahison du mandat de protection dévolu aux forces de l’ordre.
Le récit des exactions ne s’arrête pas là. Le chef de Kalolo a rapporté des pratiques humiliantes et dégradantes. « Parfois, ils font marcher nus en public certaines personnes et exigent de l’argent », a-t-il déclaré, pointant du doigt un système de racket organisé. Cette tracasserie militaire des FARDC aurait pour prétexte la détention, ou non, de cartes d’électeur. Les soldats accuseraient systématiquement ceux qui ne peuvent présenter ce document d’être des combattants « Wazalendo », un terme générique souvent utilisé dans la région. Sous cette accusation fallacieuse, ils extorqueraient aux villageois des sommes faramineuses, oscillant entre 100 000 et 500 000 francs congolais.
Les conséquences de ces agissements sont déjà palpables et dramatiques pour la cohésion sociale de Kalolo. La peur a gagné les foyers, poussant de nombreuses familles à l’exil. « Face à cette situation, plusieurs habitants fuient le village et se réfugient à Pweto », a plaidé le chef, révélant l’ampleur du déplacement interne causé par cette insécurité. Comment une population peut-elle vivre en paix lorsque ceux qui sont censés la défendre se transforment en bourreaux ? L’épisode de la confiscation de chaises et de l’arrestation arbitraire d’un adolescent de 13 ans, cité en exemple, symbolise l’arbitraire total et la violence insensée qui règnent.
La demande du chef coutumier a été claire et sans équivoque : le retrait pur et simple des militaires actuellement postés dans le village et leur remplacement par des éléments disciplinés. Cette requête traduit une rupture totale de confiance entre l’armée et la communauté qu’elle est pourtant chargée de protéger dans le territoire de Moba. Elle interpelle la chaîne de commandement sur les graves dysfonctionnements au sein de certaines unités déployées en zone rurale.
En réponse à cette plainte officielle, l’administrateur du territoire de Moba, Victor Kanfwa, a pris la parole pour calmer les esprits et promettre une action ferme. Il s’est engagé à « mettre fin aux exactions des militaires des FARDC sur la population de ce village ». Cette promesse, bien que nécessaire, soulève des questions sur les mécanismes de contrôle et de reddition des comptes au sein des forces armées. Les autorités provinciales et nationales sont-elles au courant de ces dérives ? Des enquêtes internes ont-elles été diligentées auparavant ?
Cette affaire met en lumière un problème récurrent et profond : celui des exactions militaires commises contre les civils dans diverses régions de la RDC. Elle pose la question cruciale de l’impunité et de la discipline au sein des FARDC. La population de Kalolo, comme tant d’autres, est prise en étau entre les menaces des groupes armés et les violences de certains éléments de l’armée régulière. Où peut-elle trouver refuge et justice ?
La balle est désormais dans le camp des autorités politico-militaires. L’administrateur Kanfwa a assuré qu’il allait « s’y pencher pour des solutions appropriées ». La crédibilité de cette institution et la restauration de la paix dans la chefferie Kansabala dépendent de la rapidité et de la fermeté de la suite donnée à cette plainte. Le monde observe pour voir si les mots se transformeront en actes concrets. En attendant, le bilan est lourd : une communauté traumatisée, des centaines de personnes déplacées, et une défiance accrue envers l’État de droit. La résolution de cette crise à Kalolo sera un test décisif pour l’autorité de l’État dans le Tanganyika.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
