Le soleil tapait fort sur le rond-point du Cinquantenaire à Buta, ce samedi 20 décembre, mais il peinait à rivaliser avec l’enthousiasme de la foule. Des centaines de personnes, des notables aux simples citoyens, avaient les yeux rivés sur une impressionnante parade d’acier et de caoutchouc. Dix-huit géants mécaniques, fraîchement peints, alignés comme une armée promise à la conquête de l’enclavement. Pour beaucoup d’habitants du Bas-Uele, cette scène était bien plus qu’une cérémonie protocolaire ; c’était un premier souffle d’espoir après des années de routes défoncées, d’isolement et de vie au ralenti. « Voir ces machines, c’est comme voir arriver la vie », murmure un vieux habitant, la main en visière. La promesse d’un changement tangible pour les populations souvent oubliées des grands chantiers nationaux se matérialisait enfin sous leurs yeux.
Le gouverneur Mike-David Mokeni, au milieu de cette effervescence, présentait fièrement l’acquisition phare de son gouvernement provincial. Deux excavatrices, deux bulldozers, deux porte-chars, trois chargeurs, trois niveleuses, trois camions-bennes et trois compacteurs : un arsenal complet destiné à la réhabilitation des routes en RDC, et plus précisément au cœur du réseau du Bas-Uele. Cet investissement en engins de travaux publics représente un effort financier considérable pour la province, réalisé sur fonds propres. Une volonté affichée de prendre en main son destin infrastructuel, alors que le cri du cœur pour des voies de communication dignes de ce nom est une constante dans toutes les localités.
Cette dotation n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Elle vient concrétiser un engagement pris solennellement par Mike-David Mokeni il y a dix-sept mois, lors de son investiture. Le chef de l’exécutif provincial avait alors placé l’aménagement du territoire et les infrastructures routières au cœur de son action gouvernementale. Aujourd’hui, les mots prennent forme. Mais au-delà du symbole politique, quelle sera la réalité sur le terrain ? Les populations, habituées aux annonces fastes suivies de longs silences, peuvent-elles vraiment croire à un tournant ? La question est légitime tant les besoins sont immenses et les attentes, pressantes.
Le ministre provincial des Infrastructures, Elie Aluwa, a apporté des précisions techniques pour tenter de rassurer. L’objectif de ces équipements provinciaux du Bas-Uele est double : assurer la maintenance durable des tronçons réhabilités et participer activement à la construction et à la réhabilitation du réseau, qu’il soit d’intérêt national, provincial ou local. Une approche qui se veut pragmatique et pérenne, visant à briser le cycle infernal de la dégradation rapide après des travaux souvent précaires. « Il ne s’agit pas seulement de refaire, il s’agit d’entretenir », a-t-il souligné, conscient que la bataille contre l’usure du temps et des intempéries est un combat de tous les instants.
Concrètement, ces engins vont être déployés au sein de deux brigades techniques, chacune affectée à un axe stratégique. La première interviendra sur la RN4, sur le tronçon crucial qui relie Dulia à Bondo et jusqu’à Nduu. La seconde brigade sera mobilisée sur la RN6, entre Dunia et Aketi. Ces routes, véritables artères économiques pour la province, sont souvent dans un état de délabrement avancé, entravant la circulation des personnes, des marchandises et limitant l’accès aux services essentiels comme la santé et l’éducation. Leur réhabilitation est donc perçue comme un préalable indispensable au décollage socio-économique du Bas-Uele.
Mais l’acquisition de matériel, si moderne soit-il, ne suffit pas. La vraie réussite se mesurera à l’aune des résultats concrets sur le terrain. Les engins parviendront-ils à tenir tête à la boue tenace de la saison des pluies et à la laterite abrasive de la saison sèche ? Les brigades seront-elles dotées en carburant et en pièces de rechange de manière régulière pour éviter les longs temps morts, fléau des chantiers publics en RDC ? Surtout, cette action provinciale saura-t-elle s’inscrire dans une coordination efficace avec les programmes nationaux pour éviter les doublons et maximiser l’impact ? Autant de questions qui planent au-dessus de cette bonne nouvelle, rappelant que le chemin vers la mobilité est encore semé d’embûches.
L’enjeu, fondamental, dépasse la simple circulation. Il touche à l’essence même du développement et de la cohésion sociale. Des routes en bon état, c’est la possibilité pour un agriculteur d’écouler sa production sans la voir pourrir sur le bord d’une piste, c’est l’espoir pour un malade d’atteindre un hôpital en temps utile, c’est la condition sine qua non pour attirer des investissements privés dans une région au potentiel immense. Le déploiement de ces engins par le gouverneur Mokeni est un premier pas, courageux et nécessaire. Il place la barre haut pour son administration. Désormais, les regards sont braqués sur les chantiers de la RN4 et de la RN6. La population du Bas-Uele, à l’affût du moindre signe de progrès, attend de voir ces mastodontes d’acier non pas exposés, mais bel et bien au travail, transformant la poussière et les nids-de-poule en voies carrossables. Le compte à rebours pour la matérialisation de cette promesse de désenclavement est lancé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
