La rumeur d’une détonation secoue le quartier. Le cœur de Mama Sophie, une commerçante de la commune de Kasuku, fait un bond dans sa poitrine. Son fils, diagnostiqué hypertendu, sursaute sur sa chaise, une main crispée sur le bras du fauteuil. « Chaque explosion, c’est comme si la guerre était à ma porte », confie-t-elle, l’air épuisé. À Kindu, capitale du Maniema, l’ambiance des fêtes de fin d’année se teinte d’une inquiétude singulière. Pour y répondre, les autorités municipales viennent de prendre une décision radicale : l’interdiction pure et simple de la commercialisation et de l’usage des pétards. Une mesure qui suscite autant de soutien que d’interrogations parmi la population.
Le maire de la ville, Atibu Mulamba, a été on ne peut plus clair dans son communiqué diffusé sur les ondes. Face à la recrudescence de l’utilisation de ces artifices, souvent perçus comme des jouets anodins, il a tiré la sonnette d’alarme. L’argument principal ? La santé publique. « Il y a des hypertendus qui peuvent piquer des crises et mourir à cause de ces détonations », a-t-il martelé, mettant en lumière un danger souvent sous-estimé. Dans une ville où l’accès aux soins reste un parcours du combattant, prévenir une crise cardiaque induite par le stress sonore devient une priorité. Cette interdiction des pétards à Kindu vise donc d’abord à protéger les plus vulnérables, ces administrés dont la santé chancelle au moindre coup de tonnerre artificiel.
Mais l’édile ne s’est pas arrêté là. Il a placé sa décision dans un contexte plus large, plus sombre aussi. La RDC, et particulièrement l’Est du pays, est en proie à une guerre d’agression dont les échos résonnent douloureusement dans les consciences. « Quand il y a détonation, ça fait croire qu’il n’y a guère chez nous, alors que Kindu en particulier et le Maniema, en général, est dans la paix », a expliqué le maire Atibu Mulamba. Dans une région où la frontière entre calme précaire et explosion des violences est ténue, le bruit d’un pétard n’est plus un simple bruit. Il devient un symbole, un rappel traumatique des conflits qui ensanglantent les provinces voisines. Peut-on réellement fêter Noël ou le Nouvel An dans la joie quand une déflagration, même festive, peut instantanément plonger un quartier entier dans la peur d’une attaque ?
Cette dimension psychologique est renforcée par une réalité sécuritaire locale inquiétante : la recrudescence des vols à main armée dans la ville de Kindu. Les mesures de sécurité prises par les maires de Kindu doivent donc composer avec cette anxiété diffuse. Un coup de feu, réel, peut se dissimuler derrière le feu d’artifice illégal d’un adolescent. Comment, dans ces conditions, distinguer la menace de la frivolité ? La population, déjà sur le qui-vive, risque de basculer dans une psychose collective au moindre éclat, sapant les efforts pour maintenir un climat de quiétude. Les fêtes de fin d’année en RDC se veulent un moment de répit, mais comment assurer la sécurité sans étouffer la liesse ?
Sur le terrain, la réception de l’arrêté municipal est mitigée. Si certains parents et riverains approuvent cette fermeté, saluant une initiative qui protégera leurs nuits et la santé de leurs aînés, d’autres, particulièrement parmi les jeunes, voient d’un mauvais œil cette privation d’une tradition festive. Les vendeurs de pétards, souvent actifs dans l’informel, se retrouvent du jour au lendemain sans revenus pour une période habituellement lucrative. Le défi pour les services de sécurité, invités par le maire à « mettre la main sur tous les récalcitrants », sera de taille. Comment faire respecter une telle interdiction dans tous les recoins de la ville ? L’application stricte de cette loi sera le véritable test de son efficacité.
Finalement, l’interdiction des pétards dangereux au Maniema dépasse la simple régulation de nuisance sonore. Elle interroge profondément notre rapport au bruit, à la fête et à la sécurité dans un espace public fragilisé. Elle pose une question essentielle : jusqu’où une communauté est-elle prête à restreindre certaines libertés individuelles, comme celle de faire du bruit pour célébrer, pour préserver un bien commun plus précieux encore : la paix des cœurs et la tranquillité de l’esprit ? À l’aube des célébrations, Kindu tente de trouver son équilibre, souhaitant que la seule lumière qui illumine la nuit soit celle de l’espoir, et non l’éclair fugace et anxiogène d’un pétard interdit.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
