28.2 C
Kinshasa
dimanche, décembre 21, 2025

Toute l'Actualité RDC, en Direct et en Détail

AccueilActualitéSociétéOccupation rebelle et crise bancaire assombrissent les fêtes à Goma

Occupation rebelle et crise bancaire assombrissent les fêtes à Goma

« Comment voulez-vous que nous fêtions ? Ici, chaque jour est une lutte pour la survie. » Cette interrogation lancinante, lâchée par Jean, un habitant du quartier de Keshero, résume l’ambiance glaciale qui enveloppe Goma à l’approche des traditionnelles réjouissances de décembre. Alors que les rues devraient s’animer de guirlandes et de musiques, c’est un silence pesant, teinté d’angoisse, qui règne sur la ville volcanique. Les fêtes de fin d’année à Goma, habituellement synonymes de retrouvailles et d’abondance, se dessinent cette fois sous le signe d’une frustration collective profonde, directement liée à l’occupation rebelle dans le Nord-Kivu.

« Les citoyens vivent sous une frustration totale, confirme Jean, la voix empreinte de lassitude. Cette guerre a tout saccagé. Au-delà des morts et des destructions, le pire peut-être, c’est ce sentiment d’abandon. Il n’y a plus d’autorité de l’État pour nous protéger, pour assurer le minimum. Alors, fêter ? C’est un mot qui sonne creux. » Ce constat amer est partagé par des milliers de familles. L’insécurité persistante et l’absence d’une administration forte ont étouffé toute velléité de liesse. Mais la tragédie est aussi économique. Une autre raison, plus concrète et tout aussi paralysante, explique cette morosité des fêtes à Goma : l’argent a tout simplement disparu de la circulation.

Le cœur du problème bat au ralenti depuis maintenant onze longs mois : la fermeture des banques commerciales à Goma. Privés d’accès à leurs comptes et à leurs économies, les ménages sont asphyxiés financièrement. « Les parents aujourd’hui ne sont même plus en mesure d’aller au marché pour acheter un simple habit pour leurs enfants, témoigne Marie, mère de quatre enfants. Nos revenus sont bloqués. Comment faire des projets ? Comment acheter ne serait-ce qu’un peu de viande pour le réveillon ? La situation actuelle n’est tout simplement pas tenable. » Cette paralysie du système bancaire a gelé l’économie de Goma, plongeant la ville dans une crise sans précédent où la survie quotidienne devient l’unique horizon.

Dans les marchés, l’effet de cette asphyxie est visible à l’œil nu. Au célèbre marché de Bireré, les allées sont étrangement désertes. Les stands regorgent de marchandises, mais les clients se font rares. « Nous nous demandons si les familles mangent encore, soupire un vendeur de produits de première nécessité, assis devant des sacs de riz qui ne « bougent » pas. Regardez : nous avons même baissé les prix pour tenter d’écouler les stocks. L’huile, la farine, les conserves… tout est moins cher qu’il y a un mois. Mais rien n’y fait. Les gens n’ont tout simplement pas d’argent liquide. On ne sent pas du tout l’ambiance des fêtes, c’est le contraire, c’est la désolation. » Cette baisse des prix, paradoxalement, est un faible réconfort dans un océan de détresse. Elle illustre la loi de l’offre et d’une demande en berne, symptôme criant d’une économie locale à l’arrêt.

Alors, Goma est-elle condamnée à un décembre sans lumière ? Entre l’incertitude sécuritaire et le naufrage économique, la marge de manœuvre est infime. Pourtant, une forme de résilience tente de percer. Certains habitants évoquent la volonté de se retrouver en petit comité, avec le strict nécessaire, pour maintenir un semblant de normalité et de chaleur humaine. La solidarité de voisinage devient la seule monnaie d’échange. Mais ces micro-résistances peuvent-elles vraiment compenser l’effondrement généralisé ? Les enjeux dépassent largement le simple cadre des festivités. Ils interrogent la capacité de l’État à rétablir son autorité et à garantir la sécurité des biens et des personnes. Ils pointent du doigt l’urgence de rouvrir les circuits financiers pour redonner un souffle à l’activité.

À quelques jours du réveillon, Goma retient son souffle. Les enfants n’auront peut-être pas de nouveaux habits, les tables seront moins garnies, et les chants de Noël se feront discrets. La ville vit un moment charnière, où la morosité des fêtes révèle en réalité une crise sociale et institutionnelle profonde. Le vrai cadeau que ses habitants attendent pour cette nouvelle année n’est pas sous le sapin : c’est la paix, la stabilité, et le retour à une vie où l’on peut, simplement, envisager l’avenir sans peur.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

Commenter
Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
Actualité Liée

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici


Actualité Populaire Liée

Actualité Populaire RDC

Résumé de l'actualité quotidienne

Le Brief du Jour du 21 Décembre 2025

Sécurité : retours en Ituri après offensives contre la milice CRP, reprise agricole à Beni après une accalmie ADF. Économie : la Banque centrale radie Force-Unie SARL et somme 112 établissements financiers de se régulariser. Politique : l’UDPS organise un forum sur la crise à l’Est ; Moanda sous tension avec la société civile. Sports : coup d’envoi CAN 2025, arbitre et Léopards congolais sous les projecteurs. Société : drame routier sur l’axe Lubumbashi-Likasi.

Derniers Appels D'offres

Derniers Guides Pratiques