La scène politique congolaise a été le théâtre, les 20 et 21 décembre, d’une initiative singulière. L’interfédéral Grand Équateur et Grande Orientale de l’UDPS, l’un des piliers de la majorité présidentielle, a organisé un forum de réflexion dédié exclusivement à la crise sécuritaire qui ravage l’Est de la République Démocratique du Congo. L’objectif affiché ? Formuler des propositions pour la paix et alimenter la stratégie de l’État. Cette démarche, qui a rassemblé plus d’une centaine de cadres du parti et d’officiers militaires, interroge autant qu’elle intrigue. Derrière l’apparente unité de façade, se joue-t-elle une tentative de repositionnement interne, ou une réelle volonté de peser sur la conduite des affaires nationales ?
Le cadre choisi, un forum structuré sur deux jours, s’est focalisé sur les quatre options gouvernementales officiellement retenues pour résoudre la crise : les voies politique, diplomatique, économique et militaire. Analyser ces canaux parallèles, c’est tenter de décrypter la complexité d’un conflit aux ramifications multiples. Les participants, issus de l’interfédéral Grand Équateur et Grande Orientale, se sont ainsi attelés à un exercice de prospective. Le parti au pouvoir peut-il, par ce biais, apporter une contribution substantielle, ou se contente-t-il d’un rôle de chambre d’enregistrement des décisions déjà prises en haut lieu ? La question mérite d’être posée, tant la marge de manœuvre des instances partisanes semble souvent circonscrite.
L’initiateur de ce forum UDPS paix Est RDC, Robert Nkumu, a porté un discours empreint de mobilisation citoyenne. Dans un extrait de discours diffusé, il a appelé la population congolaise à s’investir activement pour la paix et la sécurité du pays. « La paix n’est pas l’affaire exclusive du gouvernement ou de l’armée, elle est l’affaire de tous », a-t-il notamment déclaré. Ces paroles, aussi nobles soient-elles, résonnent dans un contexte où l’action gouvernementale est régulièrement questionnée sur son efficacité. L’appel de Robert Nkumu, cadre influent de l’UDPS, sonne-t-il comme un encouragement à la société civile, ou comme un aveu implicite des limites de l’action étatique actuelle ? Le discours, soigneusement calibré, évite soigneusement de pointer du doigt les éventuelles failles de la stratégie en cours, préférant en appeler à un sursaut collectif.
La participation notable de militaires de haut rang à ce forum politique ouvre un autre chapitre d’analyse. Cette porosité entre l’institution militaire et l’appareil partisan interroge sur la nature du débat. S’agissait-il d’une simple concertation technique, ou d’une tentative d’aligner la vision de l’armée sur la ligne du parti dominant ? Dans un État de droit, la distinction entre les rôles est fondamentale. Le fait que des officiers participent à un exercice de formulation de propositions pour la paix sous l’égide d’une formation politique brouille quelque peu les cartes. Cette collaboration est-elle le signe d’une approche intégrée et cohérente, ou révèle-t-elle une instrumentalisation de la chose militaire à des fins de légitimation politique ?
L’initiative de l’interfédéral Grand Équateur Grande Orientale s’inscrit dans un paysage politique congolais où les initiatives internes du parti au pouvoir sont rares. En prenant le temps d’organiser une telle réflexion, l’UDPS, à travers cette branche, montre une volonté de structurer sa pensée sur un sujet critique. Cependant, le véritable test réside dans la suite à donner à ces travaux. Ces propositions paix RDC seront-elles transmises aux instances de décision et, surtout, auront-elles une influence tangible sur la politique menée dans l’Est ? L’histoire récente est jalonnée de rapports et de recommandations parties aux oubliettes. Le risque est que ce forum ne soit perçu que comme un exercice de communication, une vitrine destinée à montrer un parti concerné, sans impact opérationnel.
En conclusion, ce forum organisé par l’interfédéral UDPS est un baromètre intéressant des tensions et des aspirations au sein de la majorité. Robert Nkumu et ses collègues ont tenté de saisir la complexité des options gouvernement crise Est. Leurs travaux mettent en lumière la difficulté de trouver une issue durable à un conflit qui résiste aux solutions simples. Le prochain enjeu, et de taille, consistera pour le gouvernement à démontrer qu’il est capable d’écouter et d’intégrer les contributions de sa propre famille politique. Dans le cas contraire, de telles initiatives pourraient accentuer le sentiment de déconnexion entre la base du parti et son sommet, fragilisant à terme la cohésion d’une majorité déjà mise à l’épreuve par les défis sécuritaires. L’Est de la RDC attend des actes, et le temps des forums, aussi méritoires soient-ils, ne saurait indéfiniment remplacer celui des décisions courageuses et des résultats concrets sur le terrain.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
