Dans un coup de théâtre politique qui en dit long sur les tensions entre l’exécutif et le législatif au Maniema, le vice-gouverneur Corneille Katisamba Makubuli a été officiellement déchu de ses fonctions ce samedi 20 décembre par les députés provinciaux. Une décision radicale, prise à l’issue d’un vote sans appel, qui sanctionne ce que les élus qualifient de “mépris” flagrant envers l’assemblée provinciale. Mais au-delà de l’affront personnel, cette motion de déchéance révèle-t-elle une crise plus profonde de la gouvernance dans cette province stratégique de la République Démocratique du Congo ?
L’origine du conflit remonte au refus catégorique de Corneille Katisamba de se présenter devant les députés pour défendre le projet d’édit budgétaire de l’exercice 2026. Invité à l’hémicycle en l’absence du gouverneur titulaire, Moïse Mussa Kabwankubi, en mission à Kinshasa, le vice-gouverneur a préféré décliner l’invitation par voie épistolaire, arguant qu’il n’avait pas participé à l’élaboration du budget. Un geste perçu comme une insulte par les représentants du peuple, qui exigeaient sa présence physique pour des explications transparentes. “Le mépris affiché par le vice-gouverneur envers cette institution est inadmissible”, a pu déclarer l’un des députés en séance, selon nos informations. Cette absence a servi de détonateur à une motion d’interpellation, rapidement transformée en motion de déchéance, une escalade symptomatique des rapports de force politiques locaux.
Les reproches adressés à Corneille Katisamba ne se limitent pas à ce manque de considération. Les députés provinciaux du Maniema lui imputent également d’avoir divulgué sur les réseaux sociaux des informations sensibles concernant un présumé détournement de fonds alloués à la province. Des révélations qui, si elles restent à vérifier, ont jeté un discrédit supplémentaire sur l’administration provinciale et attisé les suspicions de corruption. Dans un contexte où la transparence financière est une exigence citoyenne croissante, cette initiative solitaire du vice-gouverneur a été interprétée moins comme un acte de courage que comme une manœuvre politicienne, susceptible de nuire à la cohésion du gouvernement provincial.
Face à ces accusations, les moyens de défense avancés par Corneille Katisamba n’ont pas convaincu l’assemblée. Les députés, dans une démonstration de force, ont voté la motion de déchéance avec une majorité écrasante : 18 voix pour, 2 contre, une abstention et un bulletin nul. Un résultat qui souligne l’isolement politique du vice-gouverneur et la détermination des élus à sanctionner ce qu’ils considèrent comme une entorse grave aux principes de collaboration institutionnelle. Ce vote, presque unanime, envoie un message clair à l’exécutif provincial : le législatif entend faire respecter son autorité et sa prérogative de contrôle.
Cette déchéance du vice-gouverneur du Maniema n’est pas un simple incident de parcours. Elle s’inscrit dans un conflit politique récurrent au Maniema, où les rapports entre l’exécutif et le législatif sont souvent tendus, ponctués de luttes d’influence et de querelles de compétence. La motion de déchéance, instrument rarement utilisé, devient ici l’outil d’une affirmation parlementaire, peut-être motivée par des considérations partisanes ou des ambitions personnelles. Quel est le véritable enjeu derrière cette éviction ? Certains observateurs y voient une bataille pour le contrôle des ressources provinciales, d’autres une manœuvre pour affaiblir le camp du gouverneur absent. Quoi qu’il en soit, l’équilibre des pouvoirs au Maniema en sort perturbé, avec des risques d’instabilité à court terme.
L’éviction de Corneille Katisamba ouvre maintenant une période d’incertitude. Qui succédera à ce poste stratégique ? Le gouverneur Moïse Mussa Kabwankubi, de retour de Kinshasa, devra gérer cette crise interne tout en préservant l’action gouvernementale. Par ailleurs, cette affaire pourrait inspirer d’autres assemblées provinciales dans le pays, tentées d’utiliser la motion de déchéance comme moyen de pression politique. Enfin, les allégations de détournement de fonds, évoquées par le vice-gouverneur déchu, méritent une enquête sérieuse pour ne pas rester un simple épisode dans un conflit de pouvoir. Le Maniema, province riche en ressources mais fragilisée par des tensions politiques, se trouve à un carrefour : cette crise peut soit renforcer la reddition des comptes, soit exacerber les divisions au détriment du développement. L’avenir nous le dira, mais d’ores et déjà, la déchéance de Corneille Katisamba marque un tournant dans la vie politique provinciale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
