Dès les premières lueurs de l’aube, elles sont déjà là, des centaines de femmes patientant devant le dépôt de maïs de Kanyema Kasese, sur la route du parquet à Mbuji-Mayi. Certaines ont posé le pied sur place vers 5 heures du matin, espérant obtenir un précieux jeton qui leur permettrait d’acheter un sac de 50 kilos de cette denrée devenue rare. « Nous sommes venues acheter le maïs de Kanyema Kasese. Il y a plein de monde ici. Ça fait trois jours que nous venons sans acheter même un sac de maïs », confie l’une d’elles, la fatigue et la frustration perceptibles dans sa voix.
La scène se répète jour après jour : une cohue indescriptible dès l’arrivée des agents du Service national, vers 9 heures. Les bousculades, les attentes interminables, et souvent, la déception de repartir les mains vides. À Mbuji-Mayi, capitale du Kasaï-Oriental, se procurer un sac de maïs de Kanyema Kasese relève désormais du parcours du combattant. Une pénurie qui touche directement les familles pour lesquelles ce produit est un aliment de base.
Pour ces femmes, souvent chefs de famille, ne pas pouvoir acheter de maïs signifie des repas incertains pour leurs enfants. Le maïs est la base de nombreux plats congolais, et son absence force à se tourner vers des alternatives plus chères ou moins nutritives. Cette pénurie affecte donc directement la santé et le bien-être des ménages les plus vulnérables. Quand la nourriture manque, ce sont les femmes qui trinquent en premier, comme en témoigne leur présence massive aux points de vente.
Face à cette situation explosive, le gouverneur de province, Jean-Paul Mbwebwa Kapo, a effectué une visite surprise jeudi dernier au dépôt de MTshia Bakua Dianga. Sur place, il a constaté les dérives : un système de vente chaotique, des prix fluctuants, et une accumulation par quelques-uns au détriment de la majorité. « Nous sommes venus nous-mêmes nous rendre compte de cette réalité. Ils le vendaient toujours à 50 000 francs congolais (environ 22 USD). On a mis de l’ordre et chacun a acheté aujourd’hui son sac au prix fixé. Un sac par personne », a-t-il ordonné.
Mais pourquoi une telle ruée sur le maïs de Kanyema Kasese ? Cette variété locale est réputée pour sa qualité, mais la demande dépasse largement l’offre, créant une crise alimentaire localisée. Les revendeuses, souvent accusées de stocker pour spéculer, contribuent à cette tension. Le gouverneur Mbwebwa a donc pris des mesures drastiques : limiter les achats à un sac par personne et fixer le prix à 50 000 FC. Une décision saluée par certains, mais qui suffira-t-elle à endiguer la pénurie ?
Cette situation met en lumière les fragilités du système d’approvisionnement en produits de base dans la région. Alors que des sacs de maïs ont été retrouvés en grand nombre dans les dépôts du marché Bakua Dianga après la visite du gouverneur, on peut s’interroger sur la gestion des stocks. La crise du maïs à Mbuji-Mayi n’est-elle que la partie émergée d’un problème plus large de sécurité alimentaire au Kasaï-Oriental ?
Après la visite du gouverneur, plusieurs sacs de maïs ont été récupérés dans les dépôts du grand marché Bakua Dianga, montrant que des stocks existaient mais n’étaient pas correctement distribués. Cela pose la question de la transparence dans la chaîne d’approvisionnement. Le gouverneur Mbwebwa devra maintenant veiller à ce que ses instructions soient appliquées sur le long terme, et peut-être envisager des solutions structurelles, comme le soutien à la production locale, pour réduire la dépendance aux importations ou aux fluctuations du marché.
L’intervention du gouverneur Mbwebwa a temporairement apaisé les tensions, mais des questions subsistent. Comment assurer un accès équitable et durable aux aliments essentiels pour toutes les familles ? La pénurie de maïs à Mbuji-Mayi révèle les défis auxquels font face les autorités provinciales dans un contexte de ressources limitées et de pression démographique. Au-delà des mesures ponctuelles, c’est une politique agricole et commerciale coordonnée qui semble nécessaire pour prévenir de telles crises à l’avenir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
