Le paysage économique de la République Démocratique du Congo révèle une distorsion préoccupante. Pilier reconnu de la croissance mondiale, le segment des Micros, Petites et Moyennes Entreprises (MPME) ne contribue qu’à hauteur de 20% au Produit Intérieur Brut (PIB) national, un taux anémique au regard du potentiel démographique et des ressources du pays. Cette faible performance s’accompagne d’un taux de création d’entreprises quasi-stagnant, avec moins de 7 000 nouvelles structures enregistrées sur les quatre dernières années. Le diagnostic des experts est sans appel : le principal goulot d’étranglement réside dans l’accès crédit entreprises congolaises, un parcours du combattant face à la frilosité systémique des établissements bancaires et à des conditions d’octroi souvent prohibitives.
Pour briser ce cercle vicieux qui entrave la croissance économique RDC, l’État a inauguré, en octobre 2020, un instrument financier dédié : le Fonds de Garantie de l’Entrepreneuriat au Congo (FOGEC). Cet organisme, né du Programme national de développement de l’entrepreneuriat congolais (PRONADEC), a pour mission cardinale de se porter garant auprès des banques pour les projets jugés trop risqués. « Le FOGEC est venu jouer ce rôle de garant auprès des banques afin de permettre aux entrepreneurs d’accéder au crédit bancaire, de développer leurs activités et de faire grandir leurs entreprises », a expliqué Laurent Munzemba Kompa, Directeur général du FOGEC, lors de la célébration du cinquième anniversaire de l’institution. Cette garantie entrepreneuriat agit comme un catalyseur, visant à transformer radicalement l’écosystème du financement MPME Congo.
Les premiers bilans, bien que modestes à l’échelle des besoins colossaux du pays, attestent d’une dynamique enclenchée. En environ trois ans d’opérations effectives, le FOGEC RDC a facilité l’accompagnement de près de 300 projets, permettant la mobilisation d’environ 3,2 millions de dollars américains de crédits. « Nous pouvons dire que nous avons quand même 2 ans et demi à 3 ans d’activité, et 300 entrepreneurs ont été accompagnés pour des crédits bancaires », a précisé le directeur général. Ces chiffres, s’ils matérialisent une volonté politique, soulignent également l’immensité du chantier restant. Comment, dès lors, amplifier l’impact de cet outil pour qu’il devienne un véritable levier de transformation économique ?
La stratégie du FOGEC ne se limite pas à une simple caution. L’institution déploie une gamme d’outils – prise de participation, subventions, innovations financières – pour s’adapter aux cycles de vie des entreprises. Sa vision pour le quinquennat à venir est toutefois résolument tournée vers l’ambition présidentielle : faire émerger une classe d’entrepreneurs millionnaires nationaux. « Pour les 5 années à venir, nous rêvons d’un FOGEC qui soit réellement ces faiseurs de millionnaires que le Chef de l’État voulait », a affirmé Laurent Munzemba Kompa. Un signal fort a été donné avec la décision récente du conseil d’administration de multiplier par six le plafond de garantie, le faisant passer de 50 000 à 300 000 dollars par projet.
Cette augmentation exponentielle du plafond n’est pas qu’un ajustement technique ; elle incarne une volonté de cibler des entreprises à fort potentiel de scaling et de création de valeur ajoutée. Elle répond à un impératif stratégique de diversification économique, alors que le modèle minier, dominant mais vulnérable, ne peut être l’unique moteur de prospérité. « L’économie de notre pays est majoritairement tenue par des étrangers, notamment dans le secteur minier. Or, les mines ne sont pas éternelles. Il est donc impératif de diversifier notre économie à travers l’entrepreneuriat congolais », a rappelé le DG du FOGEC. L’institution se positionne ainsi comme l’architecte financier d’une transition vers une économie plus résiliente et inclusive.
Les perspectives s’annoncent renforcées par des engagements politiques concrets. Suite à la table ronde sur l’emploi, le Chef de l’État et le gouvernement ont promis un appui financier accru au FOGEC à partir de 2026. Cette manne supplémentaire est perçue comme le carburant nécessaire pour passer à la vitesse supérieure. « Avec cela, nous rêvons maintenant d’un FOGEC disposant de moyens suffisants […] pour réellement accompagner les entrepreneurs. Nous savons que, dans 5 ans, nous pourrons présenter des millionnaires devenus millionnaires grâce à l’accompagnement du FOGEC », a projeté avec conviction Laurent Munzemba Kompa.
Le chemin vers la fabrique de millionnaires congolais est encore semé d’embûches. Les défis de formalisation, de rentabilité et de gouvernance des entreprises accompagnées restent immenses. Pourtant, le FOGEC représente plus qu’un simple fonds de garantie ; il est le symbole d’une reconquête économique. En fluidifiant l’accès au capital, il participe à la construction des bases d’un secteur privé national dynamique et innovant. La réussite de cette mission sera un indicateur clé de la capacité de la RDC à libérer les énergies entrepreneuriales de sa population et à inscrire sa trajectoire de croissance dans la durée et l’équité. La marche vers l’émergence économique, longue de mille kilomètres, a trouvé avec le FOGEC un premier pas décisif et structurant.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
