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Justice universelle : Roger Lumbala écope de 30 ans de prison à Paris pour son rôle dans les atrocités en RDC

Le principe de justice universelle a trouvé, une fois de plus, une application concrète et retentissante sur le sol français. La cour d’assises de Paris a, en effet, prononcé ce 15 décembre 2025 une condamnation d’une rare sévérité à l’encontre de Roger Lumbala, ancien chef politique et militaire congolais. Âgé de 67 ans, l’homme a été reconnu coupable de complicité de crimes contre l’humanité et condamné à trente années de réclusion criminelle. Ce verdict, intervenant après un procès complexe et parfois tumultueux, marque un tournant décisif dans la quête de justice pour les innombrables victimes des conflits qui ensanglantent l’est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis des décennies.

Les faits jugés remontent à la période particulièrement sombre de la deuxième guerre du Congo, plus précisément aux années 2002 et 2003. À la tête du Rassemblement des Congolais démocrates-National (RCD-N), une faction rebelle, Roger Lumbala est accusé d’avoir facilité, par son autorité et ses instructions, l’opération militaire baptisée « Effacer le tableau ». Cette offensive, menée dans les territoires de Mambasa, d’Epulu et de Mandima, dans la province de l’Ituri, fut le théâtre d’atrocités systématiques et généralisées à l’encontre des populations civiles. Le tribunal a établi la commission de viols utilisés comme arme de guerre et constitutifs de torture, de réductions en esclavage, d’exécutions sommaires, de travaux forcés et de pillages à grande échelle. Le parquet national antiterroriste, représenté par l’avocat général, avait requis la perpétuité, arguant du rôle pivot de l’accusé dans la chaîne de commandement.

La cour d’assises, présidée par Marc Sommerer, a cependant opté pour une peine de trente ans, tout en retenant la responsabilité pénale pleine et entière de Roger Lumbala. Les magistrats ont relevé que l’ancien chef rebelle, qui se déplaçait régulièrement en tenue militaire sur le terrain, exerçait une autorité effective sur ses troupes. Il tenait des réunions publiques pour célébrer les avancées de son mouvement et, fait notable, présentait des excuses pour les exactions commises sans jamais en désigner d’autres responsables, assumant ainsi implicitement la faute. Cette condamnation s’appuie sur le principe de compétence universelle, inscrit dans le code de procédure pénale français, qui permet de poursuivre les auteurs présumés des crimes les plus graves, indépendamment du lieu de leur commission et de la nationalité des victimes ou de l’accusé.

Le procès lui-même n’a pas été exempt de difficultés, reflétant les obstacles politiques et logistiques entourant souvent la justice transitionnelle. Roger Lumbala, interpellé en janvier 2021 en région parisienne où il vivait, a largement boycotté les débats, contestant jusqu’à la légitimité de la justice française à le juger. Il est toutefois réapparu dans le box des accusés pour l’énoncé du verdict, impassible, aux côtés de son avocat commis d’office. Par ailleurs, la non-coopération des autorités congolaises, qui ont refusé de produire certains témoins clés comme Jean-Pierre Bemba ou Constant Ndima, a complexifié le travail des magistrats instructeurs. Malgré ces entraves, l’instruction, menée pendant plus de quatre ans, a permis de recueillir des preuves et des témoignages suffisamment solides pour aboutir à cette condamnation.

Sur le plan symbolique et historique, cette décision revêt une importance capitale. Il s’agit de la première condamnation d’un chef de guerre congolais prononcée par une juridiction nationale étrangère pour des faits commis durant les conflits des années 2000 en RDC. Jusqu’à présent, seules les chambres de la Cour pénale internationale (CPI) s’étaient prononcées sur des affaires similaires, condamnant des figures comme Thomas Lubanga ou Bosco Ntaganda. Le verdict parisien envoie donc un signal fort aux autres potentats locaux et commandants de milices qui croiraient pouvoir échapper à toute poursuite en quittant le territoire congolais. Il démontre que les frontières nationales ne constituent plus un rempart infranchissable contre la justice.

Les représentants des parties civiles et les organisations de défense des droits de l’homme, à l’instar de TRIAL International qui a porté l’affaire, ont salué une décision « sans précédent ». Une avocate des victimes a déclaré avec émotion : « La RDC est transformée en funérarium. Condamner Lumbala, c’est reconnaître que le courage des victimes n’aura pas été vain. » Cette condamnation offre une forme de reconnaissance, bien que tardive, à au moins une trentaine de victimes directement identifiées dans cette procédure, et par extension, à des milliers d’autres. Une audience distincte, prévue le 30 juin 2026, sera consacrée à l’examen des demandes de dommages et intérêts, une autre étape cruciale dans le processus de réparation.

Au-delà du cas individuel de Roger Lumbala, ce procès pose une question fondamentale : la justice internationale et universelle peut-elle véritablement contribuer à briser le cycle infernal de la violence et de l’impunité dans l’est congolais ? Si une condamnation ne peut à elle seule panser les blessures d’une nation ou restaurer la paix dans des régions encore instables, elle établit une vérité judiciaire et inscrit dans le marbre la responsabilité des auteurs. Elle rappelle aussi à la communauté internationale ses obligations morales et légales. Roger Lumbala dispose désormais d’un délai de dix jours pour faire appel de cette décision. S’il ne le fait pas, ou si son appel est rejeté, il purgera sa peine en France, avec à la clé une probable interdiction définitive du territoire français. Son silence lors de l’énoncé de la peine en dit long sur le poids de cette condamnation, qui résonne comme un avertissement à travers toutes les zones de conflit où les civils continuent de payer le prix fort.

Article Ecrit par Cédric Botela
Source: https://www.lemonde.fr/en/le-monde-africa/article/2025/12/15/former-congolese-warlord-sentenced-to-30-years-in-prison-for-complicity-in-crimes-against-humanity_6748530_124.html

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