« Nous avions le souci de trouver à manger. Aujourd’hui, avec ce que nous avons reçu, nous allons passer quelques semaines dans de bonnes conditions. » Le soulagement est palpable dans la voix de ce père de famille, l’un des milliers de déplacés ayant fui les violences dans le Nord-Kivu. Ce samedi 13 décembre, dans les villages de Kashanje et Rugarama, localité de Mweso, une opération d’aide humanitaire Nord-Kivu a apporté un répit précaire à des communautés épuisées par la guerre et la faim.
Plus de 1000 ménages, composés de familles déplacées, de retournés et de familles d’accueil, ont reçu des sacs de farine de maïs, des haricots et de l’huile végétale. Cette distribution vivres Masisi, orchestrée par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) en consortium avec l’ONG World Vision, représente une bouée de sauvetage dans une zone où la crise alimentaire Nord-Kivu atteint des niveaux critiques. Mais cette assistance, si vitale soit-elle, ne résout qu’une partie du problème.
Qui sont ces bénéficiaires ? Ce sont majoritairement des déplacés guerre Mweso ayant trouvé refuge dans ces localités après avoir fui les affrontements récurrents entre les rebelles de l’AFC/M23 et les forces gouvernementales soutenues par les groupes d’autodéfense wazalendo. Les combats ont ravagé les chefferies de Bashali, dans le Masisi, et de Bwito, en territoire de Rutshuru, poussant des milliers de civils sur les routes. À Kashanje et Rugarama, ils survivent dans une précarité extrême, partageant le peu qu’ils ont avec des familles d’accueil tout aussi vulnérables.
« Nous remercions le PAM World Vision RDC pour cette assistance qui vient au moment opportun », a déclaré un bénéficiaire, sous le regard attentif de ses voisins. « Mais nous invitons les humanitaires à ne pas se limiter à ce niveau, car nous ne sommes pas encore rentrés chez nous. Bien sûr que ceci nous soulage un peu. Qu’ils continuent à nous assister. » Ce plaidoyer résume le dilemme de l’aide d’urgence : elle apaise la faim immédiate, mais elle ne met pas fin à l’exil. Comment envisager l’avenir lorsque les balles sifflent encore à quelques kilomètres de là ?
La situation sur le terrain est alarmante. L’insécurité permanente paralyse les champs, bloque les routes commerciales et anéantit les moyens de subsistance. La majorité des ménages dépendent entièrement de l’aide extérieure pour survivre. « Plusieurs familles font face à une carence aiguë de vivres », confirme un acteur local sous couvert d’anonymat. « Sans distributions régulières, la malnutrition, surtout chez les enfants et les femmes enceintes, pourrait exploser. » Les humanitaires naviguent dans un contexte opérationnel complexe, où l’accès aux populations reste tributaire des caprices des groupes armés.
Cette action conjointe du PAM et de World Vision illustre les efforts déployés pour juguler une catastrophe humanitaire qui dépasse les frontières du Masisi. Le Nord-Kivu compte aujourd’hui des centaines de milliers de déplacés internes, victimes collatérales d’un conflit qui entre dans sa deuxième décennie. Chaque distribution est une course contre la montre, une tentative de colmater les brèches d’un système social à bout de souffle. Pourtant, face à l’ampleur des besoins, les ressources disponibles ne sont souvent qu’une goutte d’eau dans un océan de détresse.
Quels enjeux se cachent derrière ces sacs de vivres ? Au-delà de la réponse alimentaire urgente, c’est toute la question de la protection des civils et du retour durable dans les zones sécurisées qui se pose. Les déplacés de Mweso aspirent à retrouver leurs terres, leurs maisons, une vie normale. L’aide humanitaire est un palliatif indispensable, mais elle ne doit pas devenir une solution permanente. La communauté internationale et les autorités congolaises sont-elles à la hauteur de ce défi ? La stabilisation de l’est de la RDC passe par une réponse sécuritaire robuste et un engagement politique ferme pour la paix.
En attendant, les familles de Kashanje et Rugarama vont tenter de tenir, jour après jour, avec les vivres reçus. L’espoir, ténu, repose sur la poursuite de l’assistance et sur la fin des hostilités. La distribution du 13 décembre est un rappel cruel de la vulnérabilité extrême dans laquelle vivent des milliers de Congolais, pris en étau entre la violence des armes et la faim. L’action du PAM et de World Vision est salutaire, mais elle ne suffira pas à elle seule. Sans une paix durable, la crise alimentaire Nord-Kivu continuera de faire des victimes silencieuses, loin des projecteurs médiatiques.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
