En pleine tempête médiatique, le Président Félix Tshisekedi a pris la parole ce mardi pour éclaircir le sens de déclarations qui ont secoué la politique RDC. Qualifier l’armée congolaise de “clochards” était-il un coup de gueule impulsif ou une manœuvre politique calculée ? Lors de l’ouverture des conférences annuelles du service public, le chef de l’État a livré son explication, tentant de transformer une polémique en plaidoyer pour la responsabilité gouvernementale.
« Lorsque je dénonce, parfois avec des mots durs, l’indignité des conditions de vie dans laquelle tant de nos compatriotes ont été contraints durant des années, ce n’est jamais pour les mépriser, et certainement pas nos vaillantes forces de défense et de sécurité, mais pour placer l’État face à ses responsabilités », a-t-il déclaré. Cette justification cherche à recadrer des propos perçus par beaucoup comme une insulte envers des soldats engagés au front. Félix Tshisekedi joue ici un double jeu périlleux : tout en reconnaissant la précarité des troupes, il tente de reporter le fardeau de la faute sur l’appareil étatique hérité. Une stratégie de communication risquée, alors que l’insécurité est Congo, particulièrement dans l’Est, atteint des niveaux critiques.
Le contexte, en effet, ne saurait être plus tendu. Alors que les rebelles du M23 consolident leurs positions, les déclarations du président sur une armée de “clochards” résonnent comme un coup de semonce dans le dos des combattants. Pourquoi choisir ce moment, où le moral des troupes est un capital si fragile, pour une telle sortie verbale ? L’explication officielle, centrée sur un rappel à l’ordre de l’État, peut-elle suffire à endiguer le sentiment de trahison qui pourrait gagner les rangs ? L’analyse politique suggère que Félix Tshisekedi tente peut-être, par une provocation assumée, de forcer une prise de conscience collective sur l’état d’abandon chronique des forces armées, un problème structurel que son propre gouvernement peine à résoudre.
La polémique dépasse ainsi le simple fait divers pour toucher au cœur des contradictions de la politique RDC. D’un côté, un président qui se pose en dénonciateur des dysfonctionnements de l’État ; de l’autre, un chef des armées dont les paroles sont susceptibles de saper l’autorité et la combativité de cette même institution. Cette dialectique entre critique et responsabilité place l’exécutif dans une position délicate. Les « mots durs » du président, s’ils visent à secouer l’apathie administrative, risquent aussi de lézarder le front intérieur, pourtant essentiel dans la lutte contre l’insécurité est Congo. L’effet recherché – une mobilisation générale pour la dignité des soldats – sera-t-il atteint, ou ces propos resteront-ils perçus comme une faute stratégique ?
En réalité, l’affaire des “clochards” met en lumière le fossé abyssal entre les discours de réforme et la réalité du terrain. Félix Tshisekedi hérite d’une armée délabrée, et ses déclarations, aussi choc soient-elles, pointent un problème authentique. Mais le passage des mots aux actes constitue le vrai défi. La dignité promise se mesurera à l’aune des budgets alloués, de l’équipement fourni et des conditions de vie concrètement améliorées pour les familles de militaires. Le président a-t-il les moyens politiques de traduire cette indignation affichée en une politique de défense cohérente et financée ? La crédibilité de son engagement en dépend.
À quelques mois d’échéances politiques cruciales, ce épisode verbaux révèle les tensions inhérentes à l’exercice du pouvoir en RDC. Félix Tshisekedi mise sur une communication directe, voire brutale, pour catalyser le changement. Cependant, cette méthode comporte des risques évidents de contre-productivité. Déstabiliser l’armée congolaise par des formules malheureuses, même bien intentionnées, pourrait affaiblir le rempart principal contre l’insécurité est Congo. Le prochain enjeu pour la présidence sera de prouver que cette stratégie du électrochoc verbal n’était pas une simple posture, mais le prélude à des actions tangibles. La balle est désormais dans le camp de l’État. Saura-t-il, comme le demande le président, « rendre en acte la dignité » due à ses soldats, ou cette polémique restera-t-elle un exemple de plus du divorce entre la parole politique et la réalité congolaise ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
