Le samedi 13 décembre a marqué un tournant historique pour les communautés du secteur de Bambaie, dans le territoire de Luiza au Kasaï-Central. Une marche pacifique, symbole d’une volonté collective retrouvée, a vu défier côte à côte les populations des groupements Aka Ntanda et Tshina Kazanga. Après plus de dix ans de tensions, de violences et de deuils, les deux chefs coutumiers se sont enfin serré la main, mettant un terme officiel à un conflit foncier dévastateur. Comment une réconciliation, tant de fois espérée, a-t-elle pu voir le jour dans cette région meurtrie ? L’espoir renaît-il enfin pour le développement local à Bambaie ?
Le lourd tribut payé par ces communautés hante encore les mémoires. Ce conflit foncier au Kasaï-Central a été ponctué de tragédies : pertes de vies humaines, pillages systématiques, et la destruction par le feu de dizaines d’habitations, plongeant des centaines de familles dans la précarité la plus absolue. Les cicatrices physiques et psychologiques de cette guerre larvée sont profondes. Malgré plusieurs interventions des autorités locales, les tentatives de médiation semblaient vouées à l’échec, laissant un sentiment d’impuissance et de désolation s’installer durablement. La paix dans le territoire de Luiza paraissait être un idéal inatteignable.
La véritable percée est venue de l’intérieur, portée par la ténacité d’un homme, Josué Kalukuta Musau, un ressortissant du milieu déterminé à rompre le cycle infernal de la violence. C’est son implication patiente et son refus de baisser les bras qui ont permis de relancer un dialogue authentique entre les belligérants. Les discussions, longues et difficiles, ont finalement abouti à cette journée historique. Autour d’une même table, les chefs coutumiers ont choisi de déposer les armes de la discorde pour saisir celles de la fraternité. Leur message commun, lancé à leurs administrés, résonne comme un décret de paix : un appel solennel au calme, à la cohabitation pacifique et à une solidarité retrouvée.
« Nous avons pris aujourd’hui la décision de nous unir comme un seul peuple, ont-ils déclaré. Le souvenir de la haine et du tribalisme doit désormais faire place à l’amour, à la solidarité et à la compréhension mutuelle. Nous disons non au combat car nous savons qu’ensemble, dans la paix, nous ferons plus. » Ces paroles, simples et fortes, scellent l’acte de réconciliation entre Aka Ntanda et Tshina Kazanga. Elles traduisent une prise de conscience collective : aucun développement n’est possible sur un champ de bataille. Cette union retrouvée est le premier et le plus essentiel des investissements pour l’avenir du secteur de Bambaie.
Pour les observateurs avertis de la région, cette réconciliation n’est pas une simple formalité, mais bien la clé de voûte pour la stabilité et la relance économique. Elle ouvre enfin la voie à la reconstruction des infrastructures détruites, au retour des activités agricoles et commerciales, et à l’apaisement nécessaire pour que les projets de développement local à Bambaie puissent voir le jour. La réussite de cette médiation de conflit foncier en RDC doit servir d’exemple. Elle démontre que même les antagonismes les plus enracinés peuvent être surmontés lorsque la volonté de dialogue émane des concernés eux-mêmes, soutenue par une médiation persévérante.
L’enjeu dépasse aujourd’hui le simple retour au calme. Il s’agit de transformer cette paix fragile en une dynamique pérenne de progrès. Les populations, éprouvées par une décennie de souffrances, attendent désormais des actes concrets : la reconstruction de leurs maisons, l’accès aux champs sans crainte, et des perspectives d’avenir pour leurs enfants. La réconciliation est le socle, mais le travail de reconstruction, tant matériel que social, commence seulement. La vraie victoire se mesurera dans la capacité de ces deux communautés à bâtir ensemble, sur les cendres de leur conflit, un avenir commun où la terre, source de tant de conflits, redevienne une source de vie et de prospérité partagée.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
