Mapenzi Mave, la vingtaine résonnante, lance un appel clair depuis les bancs de l’Université Anglicane de Congo à Bunia : « Il faut mettre le paquet sur l’éducation numérique dans les milieux de jeunes. » Cette conviction, partagée par une centaine de ses camarades, a marqué la clôture, le week-end dernier, de la campagne des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre. Dans l’Ituri, comme ailleurs en République Démocratique du Congo, un nouveau front de lutte s’ouvre : celui des violences numériques RDC. Mais comment protéger une génération connectée des dérives toxiques qui prospèrent en ligne sans une éducation numérique Bunia digne de ce nom ?
L’événement, organisé par l’Organisation pour l’encadrement et le développement de la femme et de l’enfant (OEDFE) avec l’appui crucial de la Section du Genre de la MONUSCO, avait un objectif précis : armer les esprits. Il ne s’agissait pas seulement d’écouter, mais de s’approprier la bataille contre un fléau qui corrode silencieusement le tissu social. Les réseaux sociaux, espaces de liberté et d’échange, se transforment trop souvent en arènes de harcèlement, de chantage et de diffamation, particulièrement pour les femmes et les filles. La MONUSCO lutte violence genre sur tous les terrains, et le numérique est devenu un champ prioritaire. Un représentant de la mission onusienne a martelé une vérité qui dérange : « Personne n’est à l’abri. » Cette vulnérabilité universelle exige une réponse collective.
Le témoignage de Joseph Rehema, autre étudiant engagé, met le doigt sur la racine du mal : l’ignorance. « Les violences dont sont victimes les jeunes sont dues à la méconnaissance dans l’utilisation des plateformes », affirme-t-il. Cette ignorance n’est pas une fatalité. Elle appelle à une sensibilisation réseaux sociaux Congo massive et précoce. Que savent réellement les jeunes des paramètres de confidentialité, du droit à l’image, ou des mécanismes de signalement ? Trop peu de chose, souvent. L’activité à Bunia a donc consisté à démonter les mécanismes de ces violences, à en exposer les conséquences psychologiques et sociales dévastatrices, et à outiller les étudiants pour devenir à leur tour des relais d’information. Joseph Rehema en a fait la promesse : il ira porter ce message préventif dans son cercle, incarnant ainsi l’esprit des jeunes contre violences en ligne.
La question qui se pose maintenant est celle de l’ampleur. Cet atelier à Bunia est une lueur d’espoir, mais est-elle suffisante pour illuminer un pays entier ? Les violences numériques RDC ne connaissent pas de frontières provinciales. Elles fleurissent dans l’anonymat relatif des comptes fictifs, dans la rapidité virale des rumeurs, et dans la banalisation des discours haineux. Les organisateurs le reconnaissent : le phénomène prend de l’ampleur, nourri par l’accès croissant à internet et la faible régulation. Face à cette vague, l’éducation est la digue la plus solide. Il ne s’agit pas de diaboliser la technologie, mais d’apprendre à naviguer dans l’océan numérique avec un sens critique aiguisé et un respect inébranlable de l’autre.
L’enjeu dépasse la simple prévention. Il touche à la construction d’une citoyenneté numérique responsable. Les jeunes de Bunia, en saluant les efforts de la MONUSCO et de ses partenaires, pointent du doigt un défi majeur des sociétés modernes : comment garantir que les espaces virtuels soient des leviers d’émancipation et non des outils d’oppression ? La réponse passe par une intégration systématique de l’éducation numérique Bunia dans les curricula scolaires et universitaires, par des campagnes de sensibilisation continues auprès de toutes les couches sociales, et par un engagement ferme des autorités à poursuivre les auteurs de ces violences.
Alors que la campagne des 16 jours d’activisme se clôture, le travail, lui, ne fait que commencer. L’élan insufflé à l’Université Anglicane de Congo doit essaimer. Chaque jeune sensibilisé est un soldat potentiel dans cette guerre contre l’ignorance et la violence. L’appel des jeunes de Bunia est un cri du cœur pour une société congolaise où le progrès technologique rime avec sécurité et dignité pour tous. Le chemin est long, mais la première étape, celle de la prise de conscience, a été franchie. Reste maintenant à transformer cette conscience en action pérenne, pour que les écrans deviennent des fenêtres sur le monde et non des miroirs déformants de nos pires travers.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
