Une escalade militaire d’une gravité exceptionnelle se confirme dans l’Est de la République démocratique du Congo. Selon un rapport circonstancié de l’organisation internationale Human Rights Watch (HRW), plusieurs milliers de soldats rwandais, incluant des unités de forces spéciales, ont franchi la frontière vers la RDC ces dernières semaines. Cette révélation, s’appuyant sur des sources onusiennes et militaires, intervient au lendemain de la chute stratégique de la ville d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu, le 10 décembre 2025.
Le communiqué de HRW décrit une offensive méthodique et dévastatrice. « Tard le 9 décembre, les forces du M23 et rwandaises sont entrées à Uvira après une semaine de combats qui ont chassé les forces militaires congolaises et burundaises ainsi qu’une coalition de milices connue sous le nom de Wazalendo », précise le document. L’assaut a été caractérisé par une puissance de feu inhabituelle dans la région, avec « l’utilisation de drones d’attaque, d’artillerie de gros calibre et d’autres armes ». Cette sophistication militaire pointue soulève des questions cruciales sur l’origine du matériel et la nature du commandement des opérations.
Les conséquences pour les civils sont catastrophiques. Les combats pour le contrôle d’Uvira et de ses environs auraient causé, d’après les chiffres recueillis par HRW auprès de l’ONU et des médias locaux, « au moins 74 morts civils et 83 blessés ». Le bilan humain ne s’arrête pas là. L’offensive a provoqué un exode massif de la population, évalué à « environ 200 000 personnes » fuyant les violences. Parmi elles, « plus de 30 000 ont traversé vers le Burundi », voisin immédiat, accentuant la pression sur une région déjà fragile et mettant en lumière l’ampleur de la crise humanitaire en cours dans l’Est Congo.
Les accusations portées par HRW trouvent un écho dans les déclarations officielles faites devant la plus haute instance internationale. L’organisation rappelle que les États-Unis ont affirmé, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies le 12 décembre, que « le Rwanda a récemment déployé plusieurs missiles sol-air et autres armements lourds et sophistiqués dans le Nord et le Sud-Kivu pour aider le M23 ». Cette corroboration officielle étaye les allégations d’un déploiement militaire rwandais direct et substantiel, dépassant le cadre d’un simple soutien logistique ou politique.
Cette situation intervient dans un contexte d’échec patent des mécanismes diplomatiques. Clémentine de Montjoye, chercheuse principale sur les Grands Lacs à Human Rights Watch, constate amèrement que « les Accords de Washington traitant de la situation dans l’est du Congo n’ont pas permis une meilleure sécurité ni un meilleur accès à l’aide pour les civils près d’Uvira dans le Sud-Kivu ». Les engagements pris semblent aujourd’hui lettre morte face à la réalité brutale du terrain, où la loi des armes prime sur le droit international.
Face à cette escalade, l’appel lancé par HRW est sans équivoque. L’organisation presse les garants des Accords de Washington d’« aller au-delà de la simple condamnation et prendre des mesures fermes pour faire respecter le droit international humanitaire et des droits humains ». L’objectif est double : garantir une protection effective des civils pris au piège des combats et mettre un terme à l’impunité qui semble régner dans l’est de la RDC. Comment la communauté internationale compte-t-elle répondre à cette provocation flagrante contre la souveraineté congolaise et le droit humanitaire ?
La prise d’Uvira par le M23, appuyé par des soldats rwandais, représente donc un tournant dangereux dans le conflit Uvira et au-delà. Elle démontre la capacité des groupes armés, soutenus par des puissances régionales, à conquérir des centres urbains majeurs avec une force conventionnelle. Cette avancée menace non seulement la stabilité du Sud-Kivu, mais aussi celle de toute la sous-région des Grands Lacs. Les civils paient, une fois de plus, le prix le plus lourd, devenant les victimes collatérales d’un jeu géostratégique dont ils ne perçoivent ni les enjeux ni les règles. La protection des populations et le rétablissement de l’intégrité territoriale de la RDC doivent redevenir la priorité absolue de toute initiative politique, sous peine de voir l’Est du pays sombrer dans un chaos encore plus profond et durable.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
