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Naufrage meurtrier au Kwilu : Des enseignants meurent pour leur salaire

La rivière Kwango, d’habitude paisible dans cette région de Bagata, au Kwilu, a une fois de plus montré son visage le plus cruel. Dally Okwes, rescapé de l’horreur, est sur la berge, le regard vide, ses mains vides. “Tout est parti avec l’eau”, murmure-t-il, le visage marqué par la fatigue et le choc. “Les diplômes, les documents de l’école… tout ce pour quoi j’ai travaillé.” Ce préfet des études de l’institut Kimpana n’a pas seulement frôlé la mort ; il a vu sombrer les preuves de sa vie professionnelle. Son témoignage, parmi ceux d’une trentaine de survivants, donne une dimension humaine à une tragédie qui aurait pu être évitée. Combien de cris étouffés par les eaux boueuses du fleuve faudra-t-il encore entendre avant que la sécurité sur les rivières congolaises ne devienne une priorité ?

Les chiffres, glaçants, parlent d’eux-mêmes : près d’une trentaine de morts, une trentaine de rescapés, et un nombre encore indéterminé de disparus pour une centaine d’âmes parties à bord d’une embarcation de fortune. Le naufrage sur la Kwango près du village Bolo n’est malheureusement pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une longue liste noire d’accidents de rivière qui ponctuent l’actualité de la RDC. Mais cette fois, une réalité sociale poignante émerge des eaux : plusieurs des victimes et disparus sont des enseignants. Ces hommes et ces femmes, piliers souvent oubliés des communautés, étaient en route vers Bandundu pour une quête aussi vitale que périlleuse : toucher leur salaire. Comment en est-on arrivé à ce que le simple fait de percevoir son dû devienne un périple mortel ?

La colère gronde, portée par la voix du député national élu de Bagata, Garry Sakata. “On ne peut pas perdre 20 enseignants parce qu’ils sont allés chercher leur salaire à plus d’une centaine de kilomètres”, tonne-t-il, pointant du doigt une absurdité administrative aux conséquences dramatiques. Son insistance sur la nécessité d’organiser la paie dans les villages de prestation résonne comme un appel au bon sens. Pourquoi ces fonctionnaires, déjà confrontés à des conditions de travail difficiles et à des salaires souvent dérisoires, doivent-ils en plus risquer leur vie sur des pirogues surchargées et vétustes pour être payés ? Cette tragédie à Bagata met en lumière un système à bout de souffle, où la précarité des transports fluviaux rencontre l’incurie de la gestion de la fonction publique.

Les circonstances exactes du drame restent floues, les membres d’équipage ayant pris la fuite et le manifeste étant introuvable. Les survivants évoquent un heurt. L’ombre de la négligence, du non-respect des règles de sécurité les plus élémentaires et de la surcharge plane sur ce nouvel accident de la rivière Kwango. Les dégâts ne se limitent pas aux vies humaines : plus de 700 sacs de maïs et de manioc, nourriture essentielle pour des communautés entières, reposent au fond de l’eau, aggravant l’insécurité alimentaire dans une région déjà vulnérable.

Face à cette catastrophe, le silence des autorités est assourdissant. Contactées, les autorités locales affirment ne pas être informées. Aucune communication ne vient du gouvernement provincial. Ce mutisme officiel, en contraste frappant avec la douleur des familles et l’indignation des élus, interroge sur la valeur accordée à la vie des citoyens dans les zones reculées. Le suspense continue de planer sur d’éventuelles opérations de recherche des disparus ou des mesures pour sécuriser le transport fluvial. La RDC, pays au réseau hydrographique immense et vital, peut-elle continuer à tolérer que ses cours d’eau deviennent des cimetières à ciel ouvert ?

Cette nouvelle tragédie sur le Kwilu est plus qu’un simple fait divers. Elle est le symptôme d’un État défaillant dans ses missions régaliennes les plus fondamentales : assurer la sécurité de ses citoyens et leur verser leur dû dans des conditions dignes. Les enseignants morts en RDC pour avoir voulu leur salaire sont les symboles tragiques d’un système qui broie ses propres serviteurs. Jusqu’à quand devrons-nous compter les corps repêchés des fleuves avant que des politiques publiques courageuses ne voient le jour ? La balle est désormais dans le camp des autorités, qui doivent répondre par des actes à la colère légitime des populations et honorer la mémoire des victimes par une réforme en profondeur. L’indifférence, aujourd’hui, serait une trahison de plus.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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