Il y a encore trois ans, le voyageur qui osait s’aventurer sur les eaux du lac Albert pour rejoindre l’Ouganda prenait sa vie en mains. Aujourd’hui, le scénario a radicalement changé. « C’est une véritable révolution pour nous », lance une voyageuse, le visage soulagé, alors qu’elle embarque sur un canot rapide à Kasenyi. Cette transformation silencieuse du transport fluvial lac Albert est en train de redessiner les connexions économiques et humaines dans cette région frontalière.
Le constat est sans appel : là où des barques en bois vétustes et périlleuses dominaient il y a peu, une flotte moderne de canots rapides RDC Ouganda assure désormais la navette. Ces embarcations, capables de transporter entre 20 et 40 passagers, ont réduit le temps de la traversée lac Albert de six longues et dangereuses heures à une heure seulement pour parcourir près de 50 kilomètres. Un gain de temps colossal qui change la donne pour des milliers de personnes.
« Avant, on priait pour arriver de l’autre côté. Maintenant, on peut presque faire l’aller-retour dans la journée », confie un commerçant, entouré de ses sacs de marchandises. Cette fiabilité nouvelle explique en grande partie l’engouement. Au moins sept agences de voyage se partagent désormais ce marché en plein boom, chacune disposant d’au moins deux unités. La demande est telle qu’une nouvelle agence a été lancée la semaine dernière pour renforcer les liaisons sur les axes Bunia Kasenyi Ouganda, avec correspondance vers Kampala.
Mais au-delà de la simple commodité, quel est l’impact social de cet essor transport lac Albert ? Pour les commerçants, le calcul est vite fait. La route terrestre alternative, l’axe Bunia–Mahagi long de 165 kilomètres, reste le théâtre d’embuscades régulières de groupes armés. Face à cette insécurité chronique, la voie lacustre émerge comme un couloir vital, plus sûr et plus rapide. Un exode modal silencieux est en cours, drainant avec lui biens, capitaux et espoirs.
Les usagers sont variés. Aux côtés des commerçants, on trouve des familles en déplacement, des pèlerins, et surtout, des patients en quête de soins. Le transfert médical vers des hôpitaux mieux équipés en Ouganda est devenu une réalité accessible grâce à ces navettes rapides. Une question se pose alors : cette infrastructure naissante pourrait-elle devenir la colonne vertébrale du développement local ?
La période des fêtes met en lumière cette dynamique. Les agences effectuent désormais deux à trois rotations quotidiennes pour absorber le flux croissant de voyageurs. Cette activité frénétique contraste avec le calme relatif d’il y a quelques années. Pourtant, des défis persistent. La régulation, la maintenance des embarcations et la gestion des pics de fréquentation sont autant de points de vigilance pour pérenniser cette réussite fragile.
L’histoire de ce lac est marquée par la précarité et le danger. Aujourd’hui, il incarne une lueur de progrès tangible. La transformation du transport sur le lac Albert est plus qu’une simple amélioration logistique ; c’est un changement de paradigme pour les populations riveraines. Elle offre une alternative concrète à l’enclavement et à l’insécurité, tout en tissant de nouveaux liens économiques transfrontaliers. Mais sa durabilité dépendra de la capacité des autorités et des opérateurs à en faire un service structuré et accessible à tous. L’espoir est désormais à quai, mais sa consolidation nécessitera une attention constante.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
