En marge d’une causerie avec la jeunesse kinoise ce samedi 13 décembre, le président Félix Tshisekedi a opéré un mouvement politique aussi rare que significatif : une défense publique et sans équivoque de sa ministre de la Jeunesse, Grâce Kutino. Face à un parterre de jeunes, le Chef de l’État a non seulement balayé d’un revers de main les critiques d’inefficacité qui circulent sur les réseaux sociaux, mais il a élevé la jeune ministre au rang de découverte majeure de son quinquennat. « J’ai enfin trouvé la personne adéquate », a-t-il lancé, scellant par cette déclaration une alliance perçue comme vitale pour la crédibilité de son action envers la jeunesse congolaise. Ce plaidoyer présidentiel, intervenant dans l’intimité feutrée d’une causerie à Kinshasa, dépasse-t-il le simple soutien protocolaire pour révéler une stratégie plus profonde de consolidation du Gouvernement Suminwa II ?
La sortie de Félix Tshisekedi n’est pas anodine. En désignant Grâce Kutino comme la personne qui « m’étonne de jour en jour », le président opère un double pari. D’une part, il coupe court aux rumeurs et aux attaques ad hominem qui ont suivi la nomination de la ministre, souvent jugée sur sa jeunesse plutôt que sur son projet. D’autre part, il réaffirme son autorité de chef de l’exécutif en garantissant la légitimité d’un membre de son gouvernement. Le révélateur, selon ses propres termes, fut le « premier test » d’entrée au gouvernement, lors duquel la ministre aurait exposé avec brio sa vision pour la jeunesse de la République démocratique du Congo. « Ce jour-là j’ai compris que j’avais trouvé la personne adéquate, qui m’aidera à me rapprocher davantage de la jeunesse congolaise et à travailler avec celle-ci pour la préparer aux défis futurs de notre pays », a-t-il souligné. Cette narration transforme un simple entretien en une scène fondatrice, construisant le mythe d’une ministre providentielle pour un secteur en crise.
Derrière les louanges, se dessine cependant une réalité politique plus complexe. Le ministère de la Jeunesse en RDC est historiquement un portefeuille sensible, souvent perçu comme une vitrine symbolique mais rarement comme un levier de transformation concrete. En plaçant sa confiance et son capital politique derrière Grâce Kutino, Félix Tshisekedi tente de redéfinir cette perception. Il s’agit ni plus ni moins d’une manœuvre pour incarner une nouvelle dynamique, où la jeunesse n’est plus un simple objet de discours mais un partenaire stratégique. Cependant, cette défense présidentielle suffira-t-elle à apaiser les doutes ? Les réseaux sociaux, caustiques, ont été le théâtre de critiques pointant un décalage entre les annonces et les réalisations tangibles. En se portant garant, le président endosse désormais directement la performance de sa ministre. Le succès ou l’échec des politiques jeunesse à venir rejailliront immanquablement sur son propre bilan.
L’analyse de cette causerie à Kinshasa ne saurait être complète sans s’interroger sur le public cible. En s’adressant directement aux jeunes lors de cet échange, Félix Tshisekedi cherche manifestement à court-circuiter les canaux traditionnels de la critique et à établir un lien direct. Le message est clair : la personne chargée de votre avenir a ma confiance totale. Cette approche relève-t-elle d’une communication habile ou d’une conviction sincère ? La nuance est ténue, mais l’effet recherché est évident : consolider la base jeune du pouvoir, essentielle dans le paysage politique congolais. La jeunesse congolaise, souvent sceptique face aux promesses, sera-t-elle convaincue par ces éloges ou y verra-t-elle un nouveau chapitre de rhétorique politique ?
En définitive, les prochains mois seront décisifs pour Grâce Kutino. Le « test » brillamment passé devant le président n’est que le prélude à un examen bien plus redoutable : celui des résultats sur le terrain. La ministre de la Jeunesse RDC devra traduire la vision louangée lors de sa nomination en programmes concrets, en emplois, en formations et en opportunités pour des millions de jeunes Congolais. Le pari de Félix Tshisekedi est audacieux : il a identifié en elle le pilote capable de naviguer dans les eaux troubles du chômage juvénile et du manque de perspectives. Si ce choix s’avère payant, il renforcera considérablement la cohésion du gouvernement et la crédibilité du président sur un dossier sociétal majeur. Dans le cas contraire, la défense ardente d’aujourd’hui pourrait se muer en un awkward souvenir, et les critiques actuelles paraîtront alors prophétiques. La causerie de Kinshasa aura donc servi de mise en scène pour un engagement politique dont l’issue reste suspendue aux actes à venir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
