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« Armée de clochards » : la réforme impossible de Tshisekedi ?

La charge était violente, le diagnostic implacable. En s’adressant à la jeunesse kinoise ce samedi, le Président Félix Tshisekedi a levé un coin du voile sur l’héritage sécuritaire qu’il dit avoir reçu. L’état des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) à son accession à la magistrature suprême ? Une image de désolation qu’il a résumée par une formule-choc destinée à marquer les esprits : « une armée de clochards ». Cette déclaration présidentielle en RDC, d’une rare franchise, ne vise pas seulement à expliquer le passé. Elle place surtout le chef de l’État devant une équation politique des plus périlleuses : peut-on réformer en profondeur une institution aussi délabrée sans l’adhésion d’une nation elle-même en crise de valeurs ?

Derrière la brutalité des mots se cache un aveu d’échec systémique. En évoquant une armée « profondément fragilisée » sur les plans matériel et moral, le Président Tshisekedi pointe du doigt des décennies de négligence dont les soldats ont été les premières victimes. Le tableau est connu : équipements obsolètes, salaires misérables, conditions de vie précaires. Cette situation, selon lui, a directement entamé la capacité régalienne fondamentale de l’État : défendre son intégrité territoriale. Comment, en effet, demander à des hommes et des femmes de sacrifier leur vie pour la patrie lorsque la patrie semble elle-même les avoir oubliés ? La question, rhétorique, hante les couloirs du pouvoir depuis des années.

Face à ce constat, l’exécutif affiche une priorité : la réforme de l’armée congolaise. Le discours présidentiel a listé les efforts entrepris pour améliorer les conditions sociales des militaires et de leurs familles. Une meilleure prise en charge, argue-t-on au Palais de la Nation, est le préalable indispensable pour restaurer la dignité du soldat et sa concentration sur sa mission. Tshisekedi joue ici un rôle de chef restaurateur, tentant de colmater les brèches d’une institution en perdition. Mais la tâche est herculéenne. Les moyens financiers colossaux nécessaires se heurtent à une économie chancelante, et chaque gourde de pétrole détournée dans ce vaste chantier affaiblit d’autant plus la crédibilité des promesses.

Pourtant, le diagnostic le plus inquiétant du chef de l’État ne concerne pas seulement les uniformes ou les casernes. Il touche à l’âme même de la nation. Félix Tshisekedi a exprimé une préoccupation majeure : le « recul du patriotisme » en République démocratique du Congo. Cet affaiblissement des valeurs civiques et nationales constitue, à ses yeux, une crise sociétale bien plus large qui sape les fondements de tout projet collectif. Une armée, aussi bien équipée soit-elle, peut-elle tenir sans le soutien indéfectible de la population qu’elle est censée protéger ? La défense nationale ne devient-elle pas une coquille vide lorsque le lien social se délite ? En soulevant cette question, le Président place le débat bien au-delà du simple budget de la Défense.

L’optimisme affiché par Tshisekedi, martelant qu’« il n’est pas trop tard » pour raviver l’esprit patriotique et reconstruire une armée forte, sonne comme un vœu pieux face à l’urgence sécuritaire. Cette sortie présidentielle intervient en effet dans un contexte de tensions extrêmes à l’Est du pays, où la capacité opérationnelle et le moral des troupes des FARDC sont quotidiennement mis à l’épreuve. Les populations de l’Ituri ou du Nord-Kivu attendent des actes bien plus que des discours. Le patriotisme RDC, dont parle le chef de l’État, se mesure-t-il à l’aune des déclarations à Kinshasa ou à la capacité à repousser les groupes armés qui fragmentent le territoire ?

En appelant à un « engagement collectif » de la jeunesse pour refonder la nation, Félix Tshisekedi esquisse une stratégie politique plus large. Il tente de transformer un constat d’échec en un récit mobilisateur, faisant de la réforme de l’armée le symbole d’une renaissance nationale. Mais le pari est risqué. L’écart entre les promesses de réforme et la réalité du terrain reste abyssal. Si les conditions de vie des soldats ne s’améliorent pas tangiblement et rapidement, et si la sécurité dans l’Est ne progresse pas, le discours sur le patriotisme risque de se heurter à un mur de cynisme. La crédibilité de la déclaration présidentielle sur l’état des FARDC sera alors jugée à l’unique aune des résultats. Le Président a mis les pieds dans le plat. Il devra maintenant prouver qu’il a aussi les moyens de le nettoyer.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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