La ville de Mbuji-Mayi, cœur économique du Kasaï-Oriental, connaît depuis quelques jours un phénomène économique inattendu : une baisse significative du prix de l’essence. Le litre, qui se négociait encore la semaine dernière entre 5 000 et 6 000 francs congolais (soit environ 2.7 USD), affiche désormais des tarifs oscillant entre 4 300 et 4 500 francs congolais (1.9 USD). Cette diminution de près de 20% sur certains points de vente interroge autant qu’elle soulage une population habituée aux fluctuations erratiques du marché des carburants.
Comment expliquer cette baise du carburant dans une région souvent sujette à des tensions sur les prix ? Selon l’Association des importateurs des produits pétroliers, la réponse réside dans les fondamentaux économiques les plus classiques : la loi de l’offre et de la demande. Un représentant de l’association a ainsi indiqué que « s’il y a beaucoup d’offres et peu de demandes, le prix doit nécessairement baisser. Il y a eu afflux sur le marché ». Cette situation traduirait donc un approvisionnement accru ces derniers jours, créant une pression à la baisse sur les prix à la pompe. Des tableaux affichant 4 200 FC à 4 500 FC le litre sont désormais visibles le long des grandes artères de Mbuji-Mayi, matérialisant cette tendance.
Cette embellie sur les prix à la consommation est-elle le signe d’un rééquilibrage durable du marché ou une simple parenthèse avant une nouvelle flambée ? La question se pose avec acuité, car les experts pointent déjà du doigt un facteur de risque majeur pouvant inverser la tendance en un clin d’œil. Amand Kalengayi Wazembele, observateur averti de la scène économique régionale, tire la sonnette d’alarme. Il met en garde contre les conséquences de la rupture du pont de Bukama, endommagé il y a une semaine. « Ne soyez pas surpris que le carburant monte encore de prix parce que le pont de Bukama est cassé », prévient-il. Cet axe routier stratégique, véritable artère logistique pour l’approvisionnement du Kasaï, voit son trafic momentanément interrompu, créant des files de camions bloqués de part et d’autre. Cet incident perturbe gravement la chaîne d’approvisionnement et menace de créer une pénurie artificielle, propice à une hausse des prix.
L’impact de cette baisse sur l’économie de la RDC, et particulièrement sur le pouvoir d’achat des ménages à Mbuji-Mayi, reste pour l’instant en demi-teinte. En effet, malgré la chute du prix à la pompe, les tarifs du transport à Mbuji-Mayi n’ont pas encore suivi la tendance baissière. Les usagers des transports en commun, qui espéraient un soulagement immédiat sur leurs dépenses quotidiennes, attendent toujours une adaptation des coûts des trajets. Cette inertie illustre le décalage souvent observé entre la variation des prix des intrants et leur répercussion sur les services finaux, un phénomène qui grève le pouvoir d’achat des Congolais.
Quelles sont les perspectives à court terme pour le secteur ? La situation actuelle est fragile et duale. D’un côté, le marché local bénéficie d’un surplus temporaire d’offre, une bouffée d’oxygène pour les consommateurs et les acteurs économiques dont les marges sont compressées. De l’autre, l’épée de Damoclès de la rupture du pont Bukama sur l’essence et le fret en général plane sur toute la région. Si la réparation de cet ouvrage d’art tarde, les stocks pourraient s’épuiser, faisant basculer le marché de l’excès d’offre à la pénurie, avec une inflation des prix comme corollaire inévitable. Cette crise infrastructurelle rappelle avec force la vulnérabilité de l’économie congolaise, encore trop dépendante de routes et de ponts vétustes.
À plus long terme, cet épisode souligne la nécessité de diversifier les voies d’approvisionnement et de sécuriser les infrastructures logistiques pour stabiliser le marché des hydrocarbures en RDC. La volatilité du prix de l’essence n’est pas une fatalité, mais le symptôme de fragilités structurelles. Pour que la baise du carburant à Mbuji-Mayi ne reste pas un épiphénomène, mais annonce une tendance durable, une réflexion approfondie sur la logistique et la régulation du secteur s’impose. L’économie congolaise, en quête de stabilité et de croissance inclusive, ne peut se permettre de voir son sang vital – le carburant – soumis à de tels aléas. La balle est désormais dans le camp des autorités et des opérateurs pour transformer cette accalmie ponctuelle en une stabilisation bénéfique pour tous.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
