Alors que l’insécurité persiste dans plusieurs régions de la République Démocratique du Congo, c’est une génération entière qui voit son avenir compromis. Le constat est accablant : depuis novembre 2024, au moins 55 000 élèves répartis dans 88 écoles du Grand Nord-Kivu ont été brutalement privés de leur salle de classe. Ces chiffres, dévoilés le samedi 6 décembre à Beni par le parlement d’enfants de la région, dressent le portrait d’une urgence éducative et humanitaire silencieuse. Comment assurer l’avenir d’un pays lorsque les fondamentaux de l’instruction sont balayés par la violence ?
Lors d’une formation axée sur la protection de l’enfant, le plaidoyer et la communication, ces jeunes parlementaires ont courageusement porté la voix de leurs camarades déplacés. Leur message est un cri du cœur, un rappel à l’ordre lancé aux autorités et à la communauté internationale. Parmi ces élèves déplacés RDC, près de 18 000 sont des filles, une population particulièrement vulnérable dont le droit à l’éducation est doublement menacé. Ruth Sabuni, cheffe intérimaire du bureau provincial du genre, famille et enfant, a salué leur mobilisation. « Il faut reconnaître le courage de ces enfants qui militent pour leurs pairs », a-t-elle déclaré, tout en appelant à une mobilisation générale pour améliorer des conditions d’étude devenues précaires.
La situation sur le terrain est catastrophique. Les établissements scolaires, piliers de la communauté, sont soit détruits, soit occupés par des groupes armés, transformant des lieux d’apprentissage en champs de bataille ou en refuges de fortune. Les zones de santé de Kalunguta, Kamango, Mabalako, Mutwanga, Oicha, l’axe Butembo-Mangurejipa et Beni elle-même sont les plus durement frappées par cette insécurité écoles Nord-Kivu. Pour des milliers d’enfants, le trajet vers l’école est devenu un parcours périlleux, quand il est encore possible. Les conséquences vont bien au-delà de l’interruption des cours : elles nourrissent un cycle de pauvreté, d’ignorance et de vulnérabilité qui hypothèque l’avenir de toute une région.
Face à ce désastre, des lueurs d’espoir émergent, mais elles demandent à être soutenues. Ruth Sabuni a mentionné l’existence de projets, comme STAR-RDC, qui intègrent dans leur mandat la réhabilitation infrastructures scolaires Beni et ailleurs. Cependant, ces initiatives ne suffiront pas sans une volonté politique ferme et des actions concrètes. La cheffe de bureau a lancé un appel pressant : « Que les autorités gouvernementales ou les responsables de ce projet voient comment ils vont réhabiliter certaines écoles, voire en construire de nouvelles. Nous demandons aux autorités locales de mettre à disposition des espaces pour la construction de ces écoles. » Son plaidoyer est clair : faire de la reconstruction du système éducatif une priorité absolue est la seule voie pour « permettre la récupération de ces enfants qui souffrent ».
Le parlement enfants Grand Nord-Kivu, en portant ce dossier, rappelle que les premiers concernés sont souvent les meilleurs avocats de leur cause. Leur intervention souligne l’importance de la participation des jeunes aux décisions qui les affectent. Mais au-delà du plaidoyer, que font les acteurs en charge de la sécurité et du développement ? La réhabilitation infrastructures scolaires est un impératif immédiat, tout comme la sécurisation des zones pour permettre le retour des enseignants et des élèves. Sans cela, les programmes de scolarisation, aussi bien intentionnés soient-ils, resteront lettre morte.
La question fondamentale que pose cette crise est celle du droit à l’éducation Congo. Un droit constitutionnel bafoué pour des dizaines de milliers d’enfants. L’éducation n’est pas un privilège, c’est un droit fondamental et un puissant outil de stabilisation et de paix. Priver une région de ses écoles, c’est condamner son futur. La mobilisation du parlement d’enfants et des autorités provinciales doit maintenant trouver un écho à Kinshasa et auprès des partenaires internationaux. La reconstruction des infrastructures est une étape nécessaire, mais elle doit s’accompagner d’un plan global de protection des enfants en situation de conflit et d’un soutien psychosocial pour ceux qui ont tout perdu, y compris leur quotidien d’écolier.
L’enjeu est de taille. Il en va de la cohésion sociale et du développement du Grand Nord-Kivu. Chaque jour passé hors de l’école est un jour perdu pour ces 55 000 élèves. La communauté nationale et internationale saura-t-elle entendre ce « cri de détresse » et transformer l’indignation en action concrète ? La réponse à cette question déterminera le visage de la région pour les décennies à venir.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
