Dans une déclaration chargée de symboles et d’exigences concrètes, le Vice-Premier ministre et ministre de l’Économie nationale, Daniel Mukoko Samba, a tracé une nouvelle voie pour le lac Kivu. Trois décennies après le début des violences cycliques, l’homme d’État a fermement plaidé, depuis Washington, pour que cette étendue d’eau stratégique « tourne la page des conflits » et redevienne un espace de développement économique pour l’Est de la RDC. Cette vision, présentée dans le cadre des discussions sur le Cadre d’intégration économique régionale (REIF), ne se conçoit cependant pas sans une sécurité irréprochable, posant ainsi les termes d’une équation régionale complexe.
L’initiative du REIF est présentée par Kinshasa comme l’instrument phare pour ressusciter l’esprit de coopération de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL). Daniel Mukoko Samba y voit une opportunité majeure de relancer une coopération solide entre États. Mais au-delà des déclarations d’intention, quelle substance économique peut-on réellement attendre ? Le ministre l’a précisé : le lac Kivu doit se muer en un moteur multidimensionnel, générant de l’énergie grâce à ses immenses réserves de gaz méthane, facilitant le transport des biens et des personnes, et attirant les investissements dans le secteur du tourisme. Cette transformation ambitionne de soutenir une croissance régionale durable, offrant enfin des perspectives aux populations de l’Est RDC trop longtemps meurtries.
Cependant, le tableau idyllique d’un lac catalyseur de prospérité se heurte à un mur de réalité géopolitique. Daniel Mukoko Samba a tenu à rappeler, avec une clarté dénuée d’ambiguïté, que cette dynamique économique reste « impossible sans garanties sécuritaires fermes ». Le succès du REIF, et par extension le développement économique du bassin du Kivu, est conditionné au respect scrupuleux d’engagements précis. Le gouvernement congolais place en tête de ses exigences le retrait total, vérifiable et sans retour des troupes rwandaises du territoire national, ainsi que la cessation définitive de tout appui aux éléments du M23-AFC. Pour Kinshasa, il s’agit d’un préalable non négociable.
Cette position place la balle dans le camp des acteurs régionaux et de la communauté internationale. La sécurité Grands Lacs n’est plus présentée comme une fin en soi, mais comme le socle indispensable à tout projet économique intégrateur. L’approche de Daniel Mukoko Samba opère ainsi un glissement sémantique et stratégique crucial : la paix n’est pas seulement l’absence de guerre, mais la condition sine qua non pour attirer les investissements, construire des infrastructures et créer des emplois. Le lac Kivu, richesses naturelles, ne pourra libérer son potentiel que dans un environnement apaisé.
Quelles pourraient être les retombées concrètes d’un tel virage ? Si les conditions de sécurité sont réunies, la région pourrait assister à l’émergence de projets structurants. L’exploitation du gaz du lac pour la production électrique pourrait électrifier des villes entières et alimenter des industries. Les voies navigables deviendraient des corridors commerciaux vitaux, désenclavant des zones rurales. Le tourisme, autour des paysages du Kivu, pourrait devenir une source importante de devises. Le REIF aurait alors pour mission de coordonner ces efforts, transformant une zone de tension en un hub économique partagé.
En conclusion, l’intervention de Daniel Mukoko Samba dessine une feuille de route ambitieuse mais conditionnelle. Elle lie indissociablement la prospérité économique à la stabilité politique. Le message est clair : la communauté internationale et les pays de la région doivent choisir entre perpétuer l’instabilité qui mine le développement économique ou œuvrer résolument à une sécurité restaurée, seule capable de permettre la métamorphose du lac Kivu. L’avenir de l’Est RDC et de la sous-région des Grands Lacs se joue sur cette capacité à transformer les paroles en actes vérifiables. La patience des populations et les impératifs de développement ne souffriront plus d’atermoiements.
Article Ecrit par Amissi G
Source: mediacongo.net
