La République démocratique du Congo et les États-Unis viennent de sceller un partenariat économique d’une ampleur inédite. Signé à Washington le 4 décembre 2025, cet accord RDC États-Unis vise à structurer une coopération stratégique autour des minerais critiques et de l’industrialisation RDC. Pour le Gouverneur de la Banque centrale du Congo, André Wameso Nkualoloki, l’un des architectes de la négociation, il s’agit d’un « tournant historique » qui rompt avec des siècles d’exploitation unilatérale des richesses congolaises.
Quelles sont les implications concrètes de ce texte ? L’accord établit un cadre rigoureux pour accélérer des projets d’infrastructures jugés prioritaires et sécuriser les chaînes d’approvisionnement mondiales en cobalt, cuivre et autres métaux essentiels à la transition énergétique. Une innovation majeure réside dans la création d’un « Strategic Asset Reserve » (SAR), un mécanisme par lequel la RDC identifiera des actifs miniers stratégiques. Washington se verra accorder un droit de première offre sur ces projets, une condition qui, selon les autorités congolaises, est contrebalancée par la reconnaissance sans précédent de la souveraineté nationale dans la gestion de ces ressources.
« C’est la première fois de notre histoire qu’une révolution industrielle se prépare et que l’on discute avec la RDC de l’accès à ces matières premières », a déclaré André Wameso lors d’un briefing à Washington. En pointant du doigt les épisodes douloureux du caoutchouc, de l’uranium de Shinkolobwe ou du cuivre, il a souligné que le pays était traditionnellement contourné : « on ne nous a jamais demandé notre avis ». Pour le gouverneur, cet accord RDC États-Unis est le fruit du leadership du président Félix Tshisekedi et marque la fin d’une ère où les puissances extérieures puisaient les ressources sans s’intéresser aux dirigeants congolais.
Concrètement, le pays a 30 jours, après l’entrée en vigueur, pour soumettre une première liste de « Projets Stratégiques Désignés ». Ces initiatives, qui devront stimuler la création d’emplois et l’ajout de valeur locale, seront pilotées par un Comité de pilotage conjoint dont la première réunion est prévue sous 90 jours. Parmi les chantiers phares identifiés figurent la réhabilitation du corridor ferroviaire Sakania-Lobito, vital pour l’exportation des minerais, et le développement du méga-complexe hydroélectrique du Grand Inga. Pour ce dernier, un comité de gouvernance spécifique sera créé afin d’attirer les financements et l’expertise des entreprises américaines.
Sur le front minier, l’accord prévoit un soutien technique et financier des États-Unis pour la formalisation du secteur artisanal, l’amélioration de la gouvernance et la production de données géologiques. L’objectif avoué est de créer un « Strategic Minerals Reserve » sur le sol congolais, un outil destiné à stabiliser les prix et garantir un approvisionnement prévisible pour l’industrie américaine, tout en captant une plus grande part de la valeur en RDC.
Analysé sous l’angle économique, ce partenariat économique RDC représente à la fois une formidable opportunité et un défi de gouvernance colossal. Les promesses d’investissements dans les infrastructures énergétiques et logistiques pourraient, si elles sont tenues, désenclaver des régions productrices et initier une véritable transformation structurelle. Cependant, le mécanisme du droit de première offre sur le SAR suscitera inévitablement des débats sur la marge de manœuvre future de l’État dans la négociation avec d’autres partenaires. La réussite de ce modèle dépendra de la capacité des institutions congolaises à piloter avec rigueur une liste de projets complexes et à garantir que les retombées profitent à l’économie nationale.
À long terme, l’administration Trump, en formalisant cet accès privilégié aux minerais critiques RDC, sécurise sa propre chaîne d’approvisionnement face à la concurrence notamment chinoise. Pour Kinshasa, le pari est de transformer cette dépendance géostratégique en levier de développement. La revue tripartite prévue tous les trois ans sera le baromètre de cet équilibre. L’industrialisation RDC, si souvent annoncée, trouvera-t-elle enfin dans ce cadre le souffle nécessaire ? La réponse se construira dans la mise en œuvre, exigeant une coordination sans faille et une vision claire des intérêts nationaux, comme l’a rappelé avec force André Wameso.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
