La santé publique en République Démocratique du Congo vient de vivre un moment charnière. Ce vendredi 5 décembre, le ministère de la Santé publique, Hygiène et Prévoyance sociale a officiellement annoncé, via son compte X, un changement de cap majeur pour l’Hôpital du Cinquantenaire de Kinshasa. Depuis le mardi 2 décembre 2025, l’État congolais a repris la gestion complète de cet établissement de santé, une décision exécutée suite à un arrêt du Conseil d’État et une réquisition de la force publique. Mais quels dysfonctionnements ont pu conduire à une mesure aussi radicale ?
L’établissement est désormais placé sous la tutelle d’un Comité de gestion provisoire installé par la justice. Cette transition intervient après une cascade de manquements constatés dans la gestion par le partenaire privé initial. Le constat dressé par les autorités est sévère et détaillé, pointant du doigt des engagements non tenus qui touchent au cœur même de la mission d’un hôpital public.
Parmi les griefs les plus lourds figure l’absence de versement de l’apport financier initial, pourtant évalué à 40 millions de dollars américains. Imaginez un moteur de voiture sans carburant : c’est le défi auquel l’hôpital a été confronté, privé de ressources essentielles à son fonctionnement et son développement. À cela s’ajoute la non-rétrocession de 5% des recettes générées, un manquement qui prive l’État de revenus légitimes pour réinvestir dans le système de santé. La tenue de la comptabilité, elle aussi, s’est faite en violation des normes nationales, brouillant la transparence financière.
Les conséquences pour les patients sont tout aussi concrètes. Plusieurs investissements prévus et annoncés avec force communications n’ont jamais vu le jour. Des domaines aussi critiques que la cancérologie, la cardiologie interventionnelle et la télémédecine sont restés à l’état de promesses. Pour les Congolais nécessitant des soins spécialisés dans ces disciplines, cela représente un recul significatif dans l’accès aux soins équitables. L’absence d’état des lieux préalable et de rapport narratif annuel complète ce tableau d’une gestion opaque, loin des standards attendus pour un service public de santé.
Face à cette situation, le ministère Santé publique RDC, sous la conduite du Dr Samuel Roger Kamba, a estimé devoir agir. « Nous avons agi avec responsabilité et transparence pour défendre l’intérêt général et refonder notre système de santé », a déclaré le ministre. Cette reprise de gestion est présentée comme une mesure de salut public, visant à « garantir à la population un accès équitable et sécurisé aux soins de santé ». Le gouvernement réaffirme ainsi son ambition de faire de l’Hôpital du Cinquantenaire un pilier de la qualité des soins dans le pays.
Cette décision soulève des questions fondamentales sur le partenariat public-privé dans le secteur de la santé en RDC. Si l’implication du privé peut apporter des compétences et des financements, cet épisode montre qu’elle nécessite un cadre extrêmement rigoureux et un contrôle permanent pour éviter que la recherche de profit ne prenne le pas sur la mission de service public. La santé n’est pas une marchandise comme les autres ; elle engage la vie et le bien-être des citoyens.
Pour la population congolaise, cette reprise par l’État est-elle synonyme d’amélioration immédiate ? Le chemin sera probablement long. Le nouveau comité de gestion provisoire hérite d’une situation complexe, avec des investissements manquants et une confiance à restaurer. La priorité immédiate sera très certainement d’assurer la continuité des soins et de stabiliser la gestion quotidienne de l’établissement. Ensuite viendra le temps de la refondation et, espérons-le, de la concrétisation des projets qui devaient faire de cet hôpital un centre d’excellence.
Cet événement doit servir de leçon. Il met en lumière la nécessité impérieuse d’une gouvernance irréprochable et d’une vigilance accrue dans la gestion des infrastructures de santé, biens publics par excellence. L’accès soins équitables RDC dépend en grande partie de la capacité de l’État à veiller au grain et à protéger ces institutions des dérives. La balle est désormais dans le camp des nouvelles autorités de gestion pour démontrer que le retour sous le giron de l’État est bien la solution pour offrir aux Kinois, et au-delà, les soins de qualité qu’ils méritent.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
