La haute chambre du Parlement congolais a servi de cadre, ce mercredi 3 décembre, à une confrontation aussi technique que politique autour d’un enjeu qui cristallise les attentes populaires et les promesses gouvernementales : l’électricité. Interpellé par le sénateur Janvier Mwisha Kasiwa sur la stratégie nationale en la matière, le ministre des Ressources hydrauliques et Électricité, Molendo Sakombi, a déroulé le grand projet de l’exécutif. Une ambition affichée de « renforcer l’offre » et d’« assurer l’indépendance énergétique du pays », le tout couronné par un objectif phare : l’accès universel à l’électricité d’ici 2040, avec une étape intermédiaire à 62% d’ici 2030. Une déclaration de principe qui, en pleine séance plénière présidée par Jean-Michel Sama Lukonde, a immédiatement soulevé le scepticisme et les inquiétudes des élus du territoire.
La politique énergétique de la RDC, présentée comme étant dans le droit fil de la vision présidentielle et du programme gouvernemental, est-elle autre chose qu’un vœu pieux face aux réalités du terrain ? C’est la question sous-jacente qui a plané sur l’hémicycle. Le ministre Sakombi a tenté de rassurer en rappelant que cette feuille de route, validée en 2022, a connu une actualisation en octobre 2025. Cette révision aurait permis d’intégrer des « évolutions réglementaires majeures », à savoir l’adoption du compact énergétique et la révision de la loi sur l’électricité. Des ajustements techniques présentés comme des gages de sérieux, mais qui ont paru bien abstraits aux sénateurs directement confrontés aux déficiences chroniques du réseau.
L’échange a rapidement révélé le fossé entre les projections de Kinshasa et les réalités provinciales. Un à un, plusieurs sénateurs sont montés au créneau pour exprimer leurs « préoccupations » concernant la desserte en électricité dans leurs circonscriptions. Ces interventions ont mis en lumière l’ampleur des défis : réseaux vétustes, délestages intempestifs, villes entières plongées dans l’obscurité tandis que les ressources hydroélectriques du pays sont colossales. Le discours sur l’indépendance énergétique résonne de manière particulière dans un pays qui peine à alimenter sa propre capitale de manière continue, alors qu’il exporte son potentiel.
Face à cette pression parlementaire, le ministre Molendo Sakombi s’est trouvé dans une position délicate. Les généralités sur la vision à long terme et la mise à jour des documents stratégiques n’ont visiblement pas suffi à convaincre une assemblée en quête de réponses concrètes et de calendriers précis. La réaction de l’institution sénatoriale a été sans appel : un ultimatum de 24 heures a été imposé au membre du gouvernement pour fournir des « réponses détaillées » aux questions soulevées. Ce délai serré, presque martial, constitue un camouflet politique et une marque de défiance inhabituelle. Il traduit l’impatience grandissante des représentants de la nation face à un dossier aussi crucial que piétinant.
Que pèse donc l’objectif d’accès universel à l’électricité en 2040 lorsque les sénateurs peinent à obtenir des explications claires sur la situation du mois en cours ? Le gouvernement joue-t-il la montre, espérant que les grands desseins masqueront l’absence de résultats tangibles ? L’épisode démontre que la crédibilité de la politique énergétique RDC se jouera moins dans les textes actualisés que sur le terrain, kilowatt-heure par kilowatt-heure. L’indépendance énergétique promise passe d’abord par la capacité à répondre aux interrogations légitimes du Parlement dans un temps raisonnable, ce que l’exécutif, pris en défaut, n’a manifestement pas été en mesure de faire.
Les prochaines 24 heures seront dès lors scrutées à la loupe. Les réponses que le ministre Sakombi devra rapporter devant le Sénat constitueront un test décisif. S’agira-t-il de simples éléments de langage redéployés, ou d’un plan d’action opérationnel, province par province, avec des engagements vérifiables ? La balle est dans le camp de l’exécutif. Son échec à fournir des éclaircissements satisfaisants ne serait pas seulement un incident de parcours ; ce serait l’aveu que la feuille de route pour 2040, aussi séduisante soit-elle sur le papier, manque cruellement de fondations solides pour l’année en cours. L’enjeu dépasse la simple desserte électricité sénat ; c’est la crédibilité globale de la planification d’État qui est sur la sellette. Dans un pays où l’énergie est synonyme de développement et de justice sociale, ce retard dans les explications pourrait bien se transformer en un lourd handicap politique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
